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Auberge de l'Ill

« Des diables au paradis »

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Article du 6 juin 2010
Isabelle Haeberlin et Jean-Claude Simoen © GP

Isabelle Haeberlin et Jean-Claude Simoen © GP

Une tournée en Alsace peut elle se concevoir sans une halte à « l’Auberge », comme on dit dans la région? L’Auberge de l’Ill, dans son quiet village du Ried, avec son jardin, ses saules, son cadre revu zen par Patrick Jouin, ses tables dressées face à l’eau pour l’apéro, c’est un décor de théâtre. Les acteurs de la pièce? A l’accueil: Danielle, qui ressemble de plus en plus à son père Paul, et de tonton Jean-Pierre, fringant octogénaire artiste, sans oublier la petite Laetitia. A la direction du service, ordonné comme un ballet:  Michel Scherr, jeune, blond, mince, filiforme, 40 ans de maison, plus Serge Dubs, meilleur sommelier du monde, qui commente une carte de vins immense avec une simplicité rayonnante.

Marc et Isabelle Haeberlin en cuisine © GP

Marc et Isabelle Haeberlin en cuisine © GP

L’homme de l’ombre, c’est Marc Haeberlin, relayé en cuisine par son futur gendre, allemand naturalisé alsacien, Dirk Gieselmann. Il y a les salles élégantes, le public heureux, habillé comme pour une fête. Le soir, l’Auberge est une demeure où l’on met sa cravate ou sa belle robe. Le midi, c’est plus relax, surtout si le temps est au beau. Avec mon équipée littéraire, Jean-Claude Simoen, le diablotin des Dictionnaires Amoureux chez Plon, aux airs de faune gourmand éternel, qui découvrait cette grande maison pour l’occasion nous avons eu le privilège de prendre place en cuisine. Me disant alors que j’avais bien de la chance de ne pas exercer mon métier incognito, pour pouvoir me faufiler ainsi dans les coulisses, lorgner la vingtaine de commis qui s’activent au passe, aux légumes, à la partie poisson, aux viandes ou au sucré, voir se dérouler la pièce de l’autre côté des choses .

Manger en cuisine à l’Auberge de l’Ill,c’est pénétrer le saint des saints. On goûte alors ce qui se propose ailleurs avec une attention plus précise encore et en ayant le privilège d’être servi par le maître de céans. Bref, comme dirait un habitué des casinos, c’est être certain de « jouer gagnant à tous les coups ».  Pour une découverte de la demeure, on pioche là dans les « plats créés par Paul Haeberlin qui ont fait la renommée de l’Auberge de l’Ill », ainsi que l’indique la carte en toutes lettres. La terrine de foie gras d’oie frais (ou sa variante pâtissière et superbe sous forme de brioche en gelée, fine et truffée),  le saumon soufflé,  joli morceau poissonnier sur le thème de la quenelle, ou la mousseline de grenouilles sont des mets hommages, des plats ciselés, des signatures qui renseignent sur l’esprit d’une demeure qui a su évoluer sans oublier ses racines.

Le maki de merlan aux herbes fraîches avec sa salade de pommes de terre genre bibeleskäse (comme dans les winstubs, mais au caviar) est le type de hors d’œuvre ancien/nouveau qui renouvelle les apports de Marc à la maison : le nouveau style Haeberlin, sous son aile, est alsacien avec brio, épousant les modes et la fusion du temps. Comme ce bel exercice déjà rôdé sur le mariage rustico/raffiné des tripes et du foie gras : les premières en salade moutardée et en cromesquis, le second escalopé avec un œuf de caille, plus quelques fèves. Simplement exquis, savoureux, enraciné, mais sans œillère…

Marc Haeberlin
La langouste puce aux herbes thaï avec sa croquette de riz basmati parfumé au curry doux est un hommage à Louis Outhier de la Napoule, de retour de Bangkok où il conseillait alors la table de l’Oriental. Le sandre rôti sur un risotto à la livèche avec son anguille caramélisée, ses beignets de grenouilles, sa sauce aux herbes est plus vosgien d’allure. Bref, on peut jouer ici terre/mer, les idées du potager ou encore les inclinaisons carnassières en choisissant de ne jamaiss’alourdir. Lorsqu’il cuisine le foie gras chaud (escalopé aux abricots avec son caramel à la fleur de sureau aux amandes fraîches) ou le gibier (comme ce chevreuil en noisettes aux champignons avec ses bubbespitzle et sa compote de mangue à la chartreuse), Marc sait alléger, donner une note d’acidité, bref de ne pas oublier qu’après la fête, il faut digérer.

Car il faut toujours garder ici une place pour les desserts avec le répertoire de ces souvenirs d’enfance qui ont nom vacherin glacé grand-mère, barquette de l’Ill au croquant (un parfait à la nougatine), pêche Haebelin pochée avec sa glace pistache, crêpes fourrées aux griottes « Cherry Gaby » avec sa glace à vanille de Tahiti. Et puis ces propositions plus dans l’air du temps, pour ne pas dire « light » qui ont nom croustillants de cerises avec glace au yaourt, maccaré à la rhubarbe avec son sorbet fraise au poivre de Sichuan ou soufflé fromage blanc avec sa soupe de fruits rouges. Des points d’orgue sucrés, mais point trop, généreux, mais point lourds, pour une fête superbe dans une auberge admirable sur laquelle ne temps ne semble guère avoir de prise.

Auberge de l'Ill

rue de Collonges au Mont d’Or
68970 Illhaeusern
Tél. 03 89 71 89 00
Menus : 99 €. (sem. déj.), 121 €. (w.-e. déj.), 153 €
Carte : 150-170 €
Site: www.auberge-de-l-ill.com

Auberge de l'Ill” : 3 avis

  • Danielle Dehaud

    Votre article correspond tout a fait a ce que j’ai ressenti a l’auberge de l’ill
    au debut de votre article… superbe restaurant … plats delicieux… excellente carte des vins … tres bon accueil… j’y retournerai avec plaisir l’an prochain…

  • eliane

    Le bonheur est en Alsace !!! cet article donne envie de vite quitter Paris

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