Dinner by Heston Blumenthal au Mandarin Oriental Hyde Park Hotel

Le Mandarin-Oriental © Maurice Rougemont

On connaissait Heston Blumenthal en sorcier inspiré au Fat Duck de Bray-on-Thames. Le voilà en conservateur vif argent de la cuisine anglaise au cœur du Mandarin Oriental de Knightsbridge, qui fait face à Hyde Park. Ce fut d’ailleurs le vieux Hyde Park Hotel. Le lieu, qui accueille au sous sol le Bar Boulud, offre à Heston l’occasion de raconter à sa manière les plats d’autrefois, précieusement millésimés.

Il s’est amusé à retrouver, recomposer, réécrire l’histoire de cette île frondeuse où la cuisine fut toujours objet de sarcasmes ou d’inquiétude pour les cousins du Continent. Pourtant, en reprenant une recette du Moyen Age, il réinvente le « meat fruit » (littéralement viande/fruit) qui marie mandarine (en fine gelée façon peau), foie gras, foie de volaille, flanqué de pain grillé sous l’apparence d’un fruit d’apparence authentique: jolie prouesse technique et gustative!

Plats © Maurice Rougeont

Il unit saint-jacques et concombre, escargots au persil, betterave et vin rouge, le bouillon d’agneau avec oeuf mollet, céleri, radis, navet, ris d’agneau en cromesquis ou encore porridge salé avec cuisses de grenouilles (en Angleterre !), ail, persil fenouil. Comme Heston sait tout faire et a tout appris, il vous sort le meilleur risotto au safran du monde (mieux qu’à Milan !) accordé avec de la caille en « rice and flesh » (littéralement : « riz et chair »).

C’est bluffant, savoureux, joliment « faux cul », car on n’a jamais vu une ménagère anglaise cuisiner avec tant de finesse et autant de délicatesse. La morue au cidre et blettes, le pigeon épicé à la bière brune et à l’artichaut comme la caille aux choux si tendre, si savoureuse, introuvable, hélas, dans la belle cuisine contemporaine, valent eux aussi le coup de fourchette et le « flash » de l’ethnologue français qui découvre les îles et leur façon de se nourrir avec étrangeté.

Service et cuisine © Maurice Rougemont

Le pain brun avec sa glace au caramel salé, sa poire, son sirop malté (à se pourlécher et à tourner trois fois sa langue en bouche avant de mourir de plaisir), le gâteau bohémien au chocolat, citron et glace au miel, le « Tipsy Cake » (ce gâteau ivre) à l’ananas ou encore le « Quacking Pudding » (un pudding en forme de kougelhopf tremblant avec poire, poiré, caramel et citron) ou encore la tarte chocolat cristalline avec sa glace vanille sont d’une virtuosité bouleversante autant que d’une grande habileté séductrice.

Bref, voilà une table à visiter en priorité lors d’un voyage à Londres. Pour le shopping, Harvey Nichols est en face, Harrods à deux pas. Et la cave, gérée par le portugais très francophone Joao Pires et le québécois Pier-Alexis Soulière est riche autant que foisonnante. Le décor en brun et blanc est un peu terne, le fort nombre de couverts (une petite centaine) et le fort bruit pourraient être décourageants. Mais les grandes baies vitrées ouvrent sur Hyde Park qui donnent l’illusion d’un Londres qui n’a pas changé depuis Morand, Pepys ou Jane Austen.