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Amos Oz: Entre amis

Article du 31 janvier 2013

Attention, chef d’oeuvre: en moins de 180 pages, Amos Oz rassemble le monde de ses racines. Pour ceux qui ont lu « Ailleurs peut être », « Mon Michaël », « Un juste repos » ou « la Boîte Noire » – ces romans de réflexion sur un Israël s’interrogeant sur son destin -, ce livre sera comme une retrouvaille. Et pour les fidèles qui ont suivi ses « Scènes de la Vie Villageoise« , parues en 2010, la méthode est connue: prendre des personnages dans un lieu clos, les faire se croiser, se retrouver, au fil d’histoires, diverses, dissemblables, mais toujours éclairantes, sur un ton général qui est celui du désenchantement. Pour l’écrivain militant de la « Paix Maintenant » qui ne voit guère de solution au conflit du Proche Orient, comme pour l’ex résident du kibboutz Houlda, il s’agit de conter, de porter témoignage, mais aussi de rassembler, avec un brin de nostalgie, les aspirations d’hier et de les confronter au présent.

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Amos Oz © Gallimard

Nous sommes là au kibboutz Yikhat, imaginaire, mais exemplaire, quelque part au terme des années 1960. Huit nouvelles brèves évoquent des conflits psychologiques ou intérieurs. Il y a Tzi Provizor, parfait jardinier, mais oiseau de mauvais augure, qui se réjouit de tous les malheurs du monde (« Le roi de Norvège »), Ariella qui se prend d’affection sincère pour Osnat, l’ex-femme de son compagnon Boaz (« Deux femmes »), Nahum Asherov, veuf, électricien, solitaire, qui ne peut accepter sans broncher que son unique fille Edna, 17 ans, le quitte pour vivre avec son vieil ami David Dagan, professeur et aîné de 35 ans de cette dernière  (« Entre Amis », la nouvelle qui donne son titre au livre).

Et puis encore le tout jeune Moshe Yashar qui quitte le kibboutz chaque mois pour s’en aller rendre visite à son père à l’hôpital (« Papa »), sans omettre Roni Schindlin qui défend violemment son tout petit, pris à partie par les autres enfants dans le domaine qui leur est réservé (« Un petit garçon »). Cet univers clos, difficile, qui offre un microcosme de la société « normale » et se veut société idéale, achoppe sur ses propres idéaux.

La solitude, la difficulté du couple (« la nuit »), les enfants qui veulent leur liberté (« Deir Ajloun »), l’espérance d’une vie meilleure, de la paix entre les peuples (« l’espéranto »): voilà ce qui traverse ce livre sombre et beau comme un longue plainte murmurée dans le noir d’une campagne ouverte. La pluie, le froid, la nuit accompagnent bien souvent les quelques histoires cruelles qui évoquent, sans complaisance, le pays où coulent le lait et le miel, au mitan de ses interrogations fragiles. On connaît l’écriture d’Amos Oz, sa fuite devant l’emphase, son goût pour la sobriété, sa justesse du ton sans jamais élever la voix. Rarement son économie de mots et de moyens aura fait autant de merveille. Ces 160 petites pages forment bien un grand livre.

Entre Amis, d’Amoz Os (traduit de l’hébreu par Sylvie Cohen, Gallimard, 160 pages, 17,50 €).

A propos de cet article

Publié le 31 janvier 2013 par

Amos Oz: Entre amis” : 2 avis

  • MAS myriam

    J’adore Amos Oz, j’ai lu Entre Amis, ce livre-village où on se promène, d’un personnage à l’autre, entre les pages, construisant la communauté; en quelques heures. Bravo!

  • valerie

    tout à fait d’accord, petite merveille ces pages que je viens de lire- dommage que l’on ne puisse pas rendre en français le sens double du titre en hébreu…

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