Samhoud Places

Moshik Roth en cuisine © GP

On vous avait parlé de lui Overveen, près d’Haarlem. Voilà Moshik Roth, le deux étoiles campagnard et forestier du Brouwerskolkje, mué en star urbaine à deux pas de la gare centrale d’Amsterdam et de ses canaux. L’immeuble récent appartient à Salem Samhoud, consultant  néerlando-tunisien, qui est son partenaire financier. Moshik, autodidacte de génie, qui est aussi le conseiller de l’Arnsbourg à Baerenthal, a toute liberté pour s’exprimer sur deux étages: brasserie relax au rez de chaussée, table panoramique avec sa vaste cuisine transparente où il s’exerce, avec une dizaine de collaborateurs, à faire plaisir à tous.

Salon au rez de chaussée © GP

Les menus s’égrènent ici au fil de l’inspiration du moment par petites touches poétiques, précises, ludiques. Il y a du chimiste halluciné, du gourmand allumé, de la verve narquoise mariant terre et mer, iode et végétal, idées d’hier (ah, son foie gras dit « old fashioned » avec son whisky douze ans d’âge et sa croustille meringuée!) et de demain. Bref, pas quoi ici de s’ennuyer.

Madeleine avec framboise, café, poutargue, vinaigre balsamique, faux caviar à l’huile d’olive et oeufs de hareng), millefeuille papadum avec anguille, miso, pomelos, pomme de terre, foccacia au maquereau en escabèche, harissa, olive taggiasche, cocktail Floridita avec vermouth, sorbet citron, rhum et noix de coco, oeuf parfait mixé avec gingembre et noix de muscade, huîtres avec mûres, queue de boeuf, sauce Foyot et verveine donnent l’idée d’une cuisine enlevée comme un jeu de domino.

Qui culmine avec la variation sur le maïs en « collection » avec ses nouilles de maïs au saumon, son maïs en cornet ou en glace au nori: décapant! Comme le foie gras dit Olympiades 2012 avec foie d’oie, red current, balsamique, perles de rose et noix de cajou, la bisque de langouste en raviole avec émulsion de fenouil, la sole de la mer du Nord au citron exotique, mousseline de pommes de terre, gingembre, soja, plantes salées qui jouent la recréation malicieuse de plats anciens. Sans que ne soit négligé le clin d’oeil exotique d’une moussaka en texture tomatée que surmontent des légumes craquants en palette (« mémoires du Pyrée »). Ou le retour à la tradition quasi classique d’un pigeon d’Anjou cuit rosé avec flan de noisette, griotte, olive, jasmin.

On ajoute un croquant de betterave au foie de betterave et pour finir – mais on sent bien que les desserts passionnent moins notre génie de service – jolie mousse de chocolat et violette où le goût de cette dernière n’est pas tout à fait évident. Reste que cette cuisine d’instinct, d’instant et d’émotion frappe juste, touche au coeur comme à l’âme et à l’esprit, autant qu’au sens et au palais.

Servi par un personnel jeune et relax, en jeans et basket, où l’on retrouve la petite Yoshiko qui fut chef sommelière à l’Arnsbourg reconvertie ici en chef de rang. Et escorté par des vins séducteurs: riesling allemand du Palatinat et pinot noir autrichien de Basse Autriche de Langenlois. Bref, un lieu hors du commun dont la devise  – « Usualunusual » – dit assez la qualité propre. Bref, courrez-y, réservez! Le futur Noma est là. Qu’on se le dise!