Le Cyrano
« Le Bistrot du Mois – Paris 17e : Charleyne et le Cyrano »
Ce n’est pas le plus luxueux des bistrots de Paris, ni même l’un des meilleurs. Mais c’est sans nul doute l’un des plus sympathiques de la capitale, l’un des moins chers, l’un des plus beaux, renouvelant les canons du genre avec son formidable décor art nouveau millésimé 1914 avec ses fresques en fixé-sous-verre signées d’un artiste inconnu représentant les diverses scènes du « Cyrano de Bergerac » d’Edmond Rostand, sans omettre sa cheffe de caractère, Charleyne Valet, qui revoit les plats de tradition à sa manière légère.
Nous sommes à deux pas – vraiment deux pas – de la place Clichy et du métro du même nom, dans la méconnue rue Biot, dans un cadre classé, sauvegardé des avanies du temps. Ce fut jadis le bar ou l’antichambre ou encore le salon d’attente d’une maison close – le genre pullulait dans les parages et Pigalle n’est guère loin. C’est désormais, grâce à une jeune équipe qui l’a dépoussiéré, un rade un peu magique, qui sert de 9h à 2h du matin, chaque jour.
Il y a les fresques murales, les mosaïques, les grands miroirs, le vaste comptoir, avec son mur de bouteilles d’apéritifs ou de digestifs, où l’on peut déjeuner en tête à tête avec soi-même, les tables en bois serrées (trop…), les menus qui virevoltent, les plats qui mijotent, Charleyne qui s’agite. Bref, pas le temps de s’ennuyer ici même dans ce café aimable et gourmand qui a des airs de salle de théâtre.
La cuisine s’y fait câline, légère, solide, cependant, séductrice, à coup d’idées dans le vent. La toute jeune Charleyne, passée par Nord-Nord et le Chamarré, avec Antoine Herrah, rue Lamarck, tous deux dans le 18e, s’affaire à imaginer les plats de la semaine, ceux qui vont changer et ceux qui vont revenir. Lors de votre passage, ce sera forcément différent.
Mais vous pourrez bien tomber sur la terrine de campagne, avec câpres et pickles, l’oeuf tamago à la japonaise, avec sa mayonnaise à l’encre de seiche, une crème de panais (qu’on a trouvé trop salée, lors de notre passage, comme d’ailleurs l’oeuf mariné dans le mirin et le soja – , mais peut-être Charlotte était-elle enrhumée ce jour là?). Ou encore les pommes de terre au sésame grillé, avec hareng fumé et aneth, sans oublier le millefeuille de pommes de terre, avec crème fouettée, à l’huile d’olive et olives taggiasche.
Et, au registre des plats de résistance, la belle cocotte veggie contenant un bourguignon de légumes au chipotle avec champignons, carottes, patates douces et brocolis, plus d’autres encore, bien faits et légers, comme le fin risotto aux champignons de Paris, le porc au caramel à la vietnamienne ou encore le tarama de haddock avec pommes de terre au lait ribot (ce dernier aurait dû sans mieux convenu comme entrée, en version réduite), qui relèvent, en tout cas de belles idées dans l’vent, redonnant sens, vigueur et un coup de jeune au mot « tradition ».
Les desserts, eux, sont des réussites sans ombre. Tel l’amandier à la vanille Tonka, avec sa marmelade d’orange au chipotle et sa belle crème fouettée. Ou encore le bien joli cake à la rhubarbe et le pressé de pommes au cidre façon fausse Tatin sans pâte, avec sa crème crue, qui donnent envie de prendre pension. Le soir, la maison fait tapas très gourmands, enrichissant son offre, jouant le met canaille avec malice (ainsi cette langue de boeuf au jalapeno à partager, cacahuètes et vinaigrette amchoor, à l’indienne, aux épices masala, ou bien aussi ce ris de veau à la crème de topinambours).
On le comprend : Charleyne a de la ressource et ce Cyrano est une mine de bonnes surprises. On boit, frais et au verre, des choses légères, des vins choisis. On peut emporter des plats, comme les « buns » qui sont les sandwiches vapeur à la chinoise garnie des bonnes choses maison. On ne s’ennuie guère ici même. Et la maison ouvre tous les jours. Sert non stop. Et pratique des tarifs démocratiques. Pourquoi se prier d’un tel plaisir facile?
Magnifique endroit en effet : où l’on aime prendre selon l’heure un café au zinc, un menu au dej ou dîner, ou un (voire plusieurs) verre(s) ! Bravo, on adore !! Par contre un commentaire, SVP, pensez aux personnes allergiques qui sont restées très (trop) frustrées de ne pas avoir trouvé de plat neutres pour elles ! Grande déception ! Voudriez-vous bien remédier à cela merci infiniment !
Excellent article.