Le décor ne fait pas la retape. Il est sobre, moderne, sans chic particulier, avec ses serviettes en papier, ses grosses tables bruyantes du midi. Les randonneurs de la Petite Suisse adorent le lieu. On les comprend. La cuisine y est exquise, aussi bien au petit menu du jour à 15 € qu’à la carte plus onéreuse mais fort raisonnable. La joliesse des plats et le doigté du chef ne trompe pas : la cuisine prime le cadre, comme on dit.
Et Curnonsky aurait ajouté qu’on ne vient pas ici « manger les rideaux« . Aux commandes des fourneaux, l’expérimenté Didier Reibel fait feu de tout bois, se révélant virtuose au salé comme au sucré. Ce natif de Hommert, en Moselle, a appris le métier jadis à Bonne Fontaine, chez les Knopf, à Danne-et-Quatre-Vents, non loin de Phalsbourg. Il fut d’abord pâtissier avant d’être cuisinier, a beaucoup voyagé au Japon, en Corée, en Savoie, à Londres, a accompli des stages chez les frères Troisgros et chez Alain Chapel.
Depuis quatre ans, il est revenu discrètement au pays, non loin de ses terres d’enfance, s’installant dans un village méconnu des abords de Wasselonne et Marmoutier. Ce qu’il propose là, servi avec aise par une serveuse souriante, ex infirmière, qui relaye, avec efficacité, sa dynamique, avenante et japonaise épouse Kama, des choses fines, classiques, exquises et légères, mitonnées avec science. Ainsi la terrine de foie gras au vin et aux épices, flanquée de son chutney de coing, la crème de fenouil et curcuma ou encore celle de cèpes et champignons de Paris qui font des entrées en matière de choix.
On y ajoute la bouchée à la reine avec son riz au safran, modèle du genre, toute de précision et de légèreté, avec ses fines quenelles de veau, sa fine sauce crémée, mais aussi la bourride de poissons (dorade et rouget) à l’aïoli, sans omettre les jolis desserts, comme la crème caramel aux airs de tarte avec sa chantilly légère, et la mousse chocolat en quenelle sur son bavarois craquant à la noix de coco. Au verre, on boit modeste et sans effet de manche, avec le sec riesling de Heydmann à Nordheim et le gentillet pinot noir de la cave du roi Dagobert Traenheim, sachant qu’on ne laisse que quelques piécettes dans la soucoupe, avant de réserver pour une prochaine fois. La bonne pioche!
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