Krebs'tuebel et L'Ecrevisse

Michel et Michèle Orth côté Stub © GP

C’est une maison plus que centenaire, qui en est à la 7e génération de cuisiniers. Les Orth ont succédé ici à un M.Krebs (l’écrevisse en allemand) qui fonda la demeure. Michel, qui représente la 6e génération, tient la forme, même si la maison n’a plus d’étoile. Il faut dire qu’il mélange à la fois les tablées joyeuses ou laborieuses qui viennent pour le plat du jour du déjeuner à moins de 10 € (aujourd’hui c’était couscous ou joue de boeuf), avec les gourmets de longue mémoire qui se souviennent des mille et une recettes créees ici sur le thème du crustacé d’eau douce et les gens de hasard, touristes ravis de découvrir ce coin méconnu d’Alsace qu’est le pays de la Zorn.

Plaque Gustave Stoskopf sur sa maison natale © GP

Gustave Stoskopf, imagier de talent, touche-à-tout de génie, à la fois peintre (ses portraits de personnages du folklore local aux traits figés sont fameux), poète, conteur, dramaturge (« D’Herr Maire »), journaliste, est né ici même en 1869, dans une famille de tanneurs, décédé en 1944. Une petite prière au maire du bourg, Etienne Wolf, qui déjeunait d’ailleurs là ce midi: la maison natale de Stoskopf, co-fondateur du Théâtre alsacien (en 1898) et du Musée alsacien de Strasbourg (en 1902), mainteneur émérite, avec Charles Spindler, d’une « conscience alsacienne » au temps de l’annexion, est menacée par une construction neuve et moderne qui se bâtit en face. Mais c’est là, déjà, une autre histoire.

Le foie gras à la cuiller © GP

Soupe d'écrevisses © GP

Chez Michel Orth, donc, vous pourrez jouer la carte brasserie ou grande cuisine à l’ancienne, le créatif et le savant, le régional et le ménager. La grande salle chic et cossue n’ouvre plus que le week-end. Mais la « stub » avec ses recoins boisés et ses banquettes a ses aises. Et on y goûte avec délice l’exquise soupe d’écrevisses  corsée quoique finement crémée, le fin foie gras de canard et d’oie à la cuiller, la choucroute aux poissons divers (hareng, lotte, saumon, sandre, et j’en oublie), la jolie truite farcie à la mousse de poissons et aux écrevisses selon une recette du grand père de fort belle allure, avec sa chair de poisson bien ferme et sa farce délicate et moelleuse.

Truite farcie © GP

Choucroute de poissons © GP

On y ajoute de bien jolis desserts, comme le vacherin glacé aux fruits à l’ancienne ou l’exceptionnelle mousse glacée, façon boule de glace, au kirsch, avec ses griottes compotées et sa tuile aux amandes craquantes caramélisées. Là dessus le muscat d’André Pfister à Dalenheim comme le klevener d’Heiligenstein de Jean Heywang font tranquillement merveille. On en oublie là les petits moments d’attente du début, dans une demeure où, en semaine, des serveurs manquent parfois à l’appel. Et l’on prête volontiers l’oreille à Michel, historien fervent de la cuisine de sa région, qui organise des dîners à thème sur les mets de Napoléon ou ceux de l’ancienne Alsace. C’est bien elle qui est fêtée ici avec allant.

Vacherin glacé à l'ancienne © GP

Mousse glacée au kirsch © GP