Le Farçon
« Courchevel-la Tania : Julien Machet, savoyard magnifique »
Il se remet en question, se pose en colporteur des saveurs de Savoie, revient à l’origine de sa région, française depuis la fin du XIXe siècle et proche encore, par l’esprit du royaume de Sardaigne et de l’Italie. Julien Machet, le bon élève de Jean-Pierre Jacob, devenu un maître, rend désormais hommage aux siens, à la grand-mère Mado cuisinière à l’italienne, à son père aubergiste et rebelle, livre une partition rajeunie comme rafraîchie, dans ce cadre sobre, contemporain, ouvert sur les pistes, qui est la continuation de l’ancien café de papa où il découvrit sa vocation de « grand chef » aux ambitions étoilées.
Redécouvrir Julien Machet? C’est une partie de plaisir. Il y a l’accueil de sa compagne Audrey qui confère une note de charme à la demeure, un service aux aguets, des plats qui racontent une histoire, à la fois voyageuse, buissonnière et enracinées, ses menus poétiques qui se nomment « la route des tommes », « la route du sel », « le grand cheminé ». Ainsi, ce délicieux triptyque de Beaufort de Ritord de Pralognan-la-Vanoise, avec ses allumettes panées, son cube cuit comme un marshmallow et sa tartelette relevée de main de Bouddha.
Ensuite ? Les pâtes (en filaments de pommes de terre façon vermicelles) et les œufs en hommage au seul plat que savait faire son grand-père, puis la truite de M. Petit de la pisciculture du Pont Royal à Chamousset, travaillée comme une bagna cauda, avec son huile d’olive de Sardaigne. Et encore l’omble chevalier de M. Murgat, avec ses « cocos di bianco di coni », du Piémont, leur réduction de jus d’arêtes et estragon.
On loue encore l’endive de M. Tréboux à Lugrin cultivée à fleur de léman, cuisinée et servie en brioche, avec pomelo et beurre jaune au safran des Huretières en Maurienne. Cette cuisine si joliment sourcée, légère, fraîche, sapide, on sent bien qu’elle vient de loin, raconte une histoire et parle au coeur, comme ce biscuit de Savoie imbibé au lait d’alpage et sa traditionnelle truffe en chocolat Venchi du Piémont, son sorbet au bourgeon de sapin, qui nie si joliment les frontières.
On boit là dessus le blanc de Savoie du domaine de Chevillard, issu du cépage jacquère et l’on loue cette manière, douce, franche, élaborée avec franchise, sincérité et générosité.