Chaque mois, en partenariat avec le Marché International de Rungis, Gilles Pudlowski dresse le portrait d’un Chef qui a fait le pari de la qualité et nous livre ses secrets en matière de produits et de sourcing. Au programme : la Crème de la Crème ! Produits, Passion, Savoir-Faire, Anecdotes pour une immersion dans cet incroyable et incontournable écosystème du goût et du bien-manger.

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La Crème de la Crème – Massimo Mori : « l’Italie est une mine d’or »

Article du 15 juin 2021

Ourida Ferrache et Massimo Mori © Maurice Rougemont

Il n’est pas seulement un bavard impénitent, natif de Mantoue, parlant français comme vous et moi, mieux même, avec des formules universitaires, vantant le produit de son pays avec la ferveur d’un avocat des Assises défendant la tête de son client. Une sorte de Dupont-Moretti de la gourmandise transalpine? Il y a de ça chez Massimo Mori qui est cet ambassadeur impénitent de l’Italie éternelle, de la Botte savoureuse, des mets de tradition. Chez Armani, pour le compte de Giorgio Armani, avec sa double table – chic et étoilée en étage, trattoria raffinée et contemporaine au rez de chaussée – dans l’ancien Drugstore germanopratin devenu l’Emporio Armani; ou chez lui, face à la Bourse, au Mori Venice Bar, Massimo le magnifique raconte son histoire, celle de son parcours, qui suit le fil des meilleurs produits de l’Italie dans toutes ses saveurs variées, celle de ses régions si gourmandes du Nord au Sud.

Risotto, chair d’araignée et caviar présentés dans l’araignée © Maurice Rougemont

Au départ, le petit garçon de Viadana, village de la province si riche de Mantoue, la glorieuse cité des Gonzague, grandi dans les méandres de la plaine du Pô se destine au service des palaces. Il suit les cours de l’école hôtelière de Bellagio au bord du lac de Côme, travaille au Sporting Club de Monza, file en Suisse à Arosa, quitte l’Hélvétie pour la France en 1975, pour travailler – « je devais remplacer au Ritz, quelqu’un qui n’est jamais parti« . Il se retrouve en extra chez « Pizza Pino », aux Champs-Elysées, y apprend « tout ce qu’il ne faut pas faire« . Mais il apprend les plus rudes rudiments des métiers de salle. « J’ai travaillé avec des clients difficiles« . Retourne en Suisse au Royal Savoy de Lausanne. Là, il règne au bar, doit céder aux caprices du roi d’Espagne et  de la Duchesse de Kent. Le jour de la mort de Franco, il reçoit un télex qui lui permet d’apprendre la nouvelle à sa clientèle et de la surprendre.

Massimo Mori © Maurice Rougemont

Il revient alors en France pour devenir l’ambassadeur des produits italiens, vend des alcools de qualité pour Stock Italie Vitis, fait connaître aux gourmets parisiens comme aux restaurants les grands vins de Toscane, d’Ombrie ou du Piémont, signés Antinori,  Lungarotti ou Pio Cesare. Il travaille avec la restauration de luxe transalpine dans la capitale, tels Cecconi’s aux Champs Elysées ou Beato rue Malar, mais aussi le Stresa rue de Chambiges, derrière le Plaza, et Livio à Neuilly. « Quand on aime le produit, on aime le producteur. Et l’Italie est une mine d’or du bon produit« . D’où son passage de la vente des produits à sa place de restaurateur conservant ses qualité de vendeur, bateleur, star de salle, mettant en valeur les hommes de l’ombre que sont les chefs.

Au Mori Venice Bar, tagliolini et langoustines © Maurice Rougemont

Il lance, en 1998, la maison Armani avec panache. « Le grand Giorgio cherchait un bon connaisseur du produit italien à Paris pour tenir sa future maison. Quand il parlait de produits de la Botte, on lui parlait toujours de moi. On devait finir par se rencontrer« . Il promeut Armani Caffé comme « food in shop« . Quelques années après, il crée Renoma Gallery à la demande Maurice Renoma, roi de la mode des années 1980, amoureux de l’Italie, d’où son épouse est originaire, sans quitter Armani. Puis, toujours en parallèle, il met en place, en 2006, son « Mori Venice Bar », dédié aux cicchetti de Venise, en pensant à son père, natif de Vénétie, qui émigrera à Mantoue au pays de son épouse. Au « Mori », dans l’ancien « Bon 2 » créé par Philippe Starck pour Laurent Taïeb, il précise sa manière, rend hommage aux produits comme aux producteurs, élargit sa palette, donne l’origine précise de chaque met sur une carte qui se lit comme un lexique, met sa Lombardie natale en avant, mais pas seulement, organise chaque année avec l’Ambassade d’Italie à Paris et l’association des restaurateurs du « Buon Recordo » , la version française de la journée mondiale de la cuisine italienne.

« Moeche frits » – crabes mous de Venise © Maurice Rougemont

Si la plupart de ses produits viennent de l’autre côté des Alpes – « ils sont les meilleurs du monde depuis l’Antiquité » clame ce chauvin magnifique qui rappelle que là-bas les IGP sont aussi importantes sinon plus qu’en France -, Rungis et son marché lui offrent une « formidable bouée de sauvetage » ou « une roue de secours de prestige« .  Ajoutant : « s’il me manque quelque chose, je sais que je le trouverai là« . Toute sa marée, en tout cas, – araignée, homard, tourteau, bar, saint-pierre, rouget, poulpe, éperlan, sardine pour les fritures – lui viennent de son amie Ourida Ferrache de l’Ecrevisse, qui prospecte pour lui, au « pavillon de la marée », « le meilleur produit sur marché« .

Dorade royale d’Ourida Ferrache à Rungis © Maurice Rougemont

Lait, crème, beurre, notamment pour la pâtisserie, mais aussi fromages proviennent de chez Alazard, alias « la Petite Ferme Parisienne ». Les fruits et légumes? C’est chez Maison Colom, La vanille de chez Eurovanille. Les produits d’épicerie? De chez Médelys. chez Florence Hardy, « chez qui je sais que je vais toujours trouver à me dépanner s’il me manque quelque chose ». Sans oublier les belles viandes, dont les côtes de boeuf ou le boeuf Simmental, de Jean-Baptiste Bissonnet aux Boucheries Nivernaises, présentes au pavillon de la viande. Rungis? « Un formidable vivier où l’Italie a toute sa place » Chez Carniato, le roi de l’importation de produits italiens en France, chez Romolo Manti, qui tient à la fois la trattoria du marché, sous le nom de Dai Cugini, à l’orée du pavillon bio, et une maison dédiée aux produits de toute la Botte, sous le nom de Pariromi.

Romolo Manti, gérant de PARIROMI et de Dai Cugini © Maurice Rougemont

Massimo Mori, qui vante chez lui le risotto Vialone Nanone Abbadesse Presidio, aux morilles et taleggio DOP, comme la granceloa (l’araignée de mer) décortiquée à la vénitienne au céleri vert, à la sucrine, avec son huile d’olive extra-vierge au citron feuille, comme le bar entier cuit dans sa carapace à la mousse de sel sait ce qu’il doit à ses producteurs. « Ce sont les artisans du succès. Sans eux, pas de cuisine de qualité« . A Rungis, avec ses compatriotes à l’accent chantant, comme Angelo Currio, le rieur maître d’hôtel des Cugini, il est comme chez lui (« come a casa »), ajoutant : « Paris a la chance d’avoir à sa porte ce réservoir de bons produits de toutes sortes« .

Angelo Curro, maître d’hôtel du restaurant Dai Cugini © Maurice Rougemont

Mori Venice Bar

2 rue du 4 septembre
Paris 2e
Tél. 01 44 55 51 55
Menus : 40 (formule déj.) €
Carte : 70-120 €.
Horaires : 12h-13h, 19h-20h
Fermeture hebdo. : Samedi midi, dimanche
Métro(s) proche(s) : Bourse
Site: www.mori-venicebar.com

A propos de cet article

Publié le 15 juin 2021 par

La Crème de la Crème – Massimo Mori : « l’Italie est une mine d’or »” : 3 avis

  • Palomba

    Je connais très bien le Mori Venice pour avoir invité mes clients.Grande Classe!!

  • Innocenti

    Merci mon cher Massimo de nous avoir cité porte toi bien

  • jouyenjosas

    Bonjour,
    Petite précision chronologique, avant la mort de Franco…il n’y avait pas de roi d’Espagne…Juan Carlos n’ayant été proclamé roi que 2 jours après le décès.
    Concernant M.Mori, nous avions fêté l’anniversaire de mon épouse au 1er étage Bld Saint Germain et en conservons le souvenir d’un magnifique dîner couronné par un tiramisu d’anthologie…dans une salle toutefois à l’ambiance glaciale !
    Bien à vous

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