Le Vernet à l'Hôtel Vernet

Laurent Poitevin © GP

Il n’est pas Poitevin, mais Angevin, a travaillé au Bristol et au Crillon, époque Constant, sans omettre le Taillevent, avant d’être le chef de l’Angle du Faubourg. Depuis un mois, le très discret Laurent Poitevin fait tourner les machines au Vernet (on ne dit plus « les Elysées », comme on temps de Cirino, Soliveres ou Briffard). Le groupe Hermès a revu la salle, éclairée par sa verrière 1900 signée Champigneulles et Eiffel avec chic et sobriété, matières nobles, belles lumières, joli parquet, et un service mené par le sérieux Carlos de Oliveira, ancien, lui aussi, du Taillevent et de l’Angle, conduit le bal avec fermeté.

Velouté de petits pois © GP

Tempura de grenouilles © GP

Foie gras sel poivre © GP

Bref, il n’y a là ni esbroufe, ni effet de manches, mais du clair, du net, du précis, du sans bavure. Tempura de cuisses de grenouilles en tandoori et jus de cresson, foie gras de canard (d’Alsace, qu’on se le dise, c’est plutôt rare sur une carte à Paris) avec « sel et poivre », plus artichauts et noisettes torréfiées, enfin joli velouté glacé de petits pois avec son maki de saumon, ses quenelles de ricotta et ses légumes croquants font des entrées bien vues, fraîches et franches.

Rouget poêlé © GP

Filet de bar croustillant © GP

Les plats sont sur le même registre et le même ton: pas de fantaisie outrancière, mais de la séduction véritable, pour qui aime manger bon sans prise de tête, avec de beaux produits, des cuissons justes, des saveurs nettes, du « vrai », plus que des paillettes et du strass. Filet de bar croustillant avec son émincé de tête de veau, ses dés de tomate, ses pousses d’épinards, ses jolis câpres à la sicilienne, rouget poêlé en écailles de pommes de terre, son minestrone de légumes, sa salade d’herbes, sans omettre le veau de lait « de la tête au pieds » ou la volaille fermière rôtie dans son jus sont du travail de ciseleur zélé.

Crème chocolat, glace et gelée arabica © GP

Macaron aux framboises © GP

Bref, ça ne rigole pas et ça n’est guère rock n’ roll. Mais la maîtrise du sujet est totale. Y compris avec les desserts brillants et jolis autant que savoureux signés d’une petite Américaine, jeune ancienne de l’école du Cordon Bleu: la crème légère de chocolat Equatorial avec sa gelée et sa glace pur arabica, comme le macaron aux framboises plus crème citron et sorbet au basilic font, ainsi, un sans faute. A cela s’ajoutent les propositions au verre d’un sommelier qui connaît sa cave et ses détours sur le bout des doigts: côteaux du Giennois blanc 2010 d’Emile Balland, vif et fruité, insolite fleurie 2009 d’Anne-Sophie Dubois, assez pinotant vers le fruit. Bref, de une bonne surprise, du sérieux abouti et une bonne étoile en perspective.