La Marine

Laurent Cesne et le cabillaud du jour © Maurice Rougemont

La maison trône désormais comme une perle au dessus du port de Carteret. Elle existe depuis 1876 et se trouve toujours dans la même famille. Laurent, qui incarne la 5e génération de Cesne, aubergistes ici avec fidélité, a laissé tomber ses études de médecine pour devenir le grand chef de sa région. Il apprit jadis le métier chez Lorain à Joigny, est revenu il y a deux décennies, a revu en lieu chic et moderne avec des chambres vastes et claires, pourvues de balcons sur la mer, ce qui fut jadis une auberge familiale et modeste.

Un balcon à la Marine © Maurice Rougemont

Maman Bernadette est toujours fidèle à l’accueil, tandis qu’une jeune service s’active en salle à proposer le plus sûr du moment.Un sommelier au fait de son sujet s’active à conseiller les meilleurs bouteilles de tous les terroirs, tarifées sans outrance. Les menus sont des modèles de sagesse, de générosité et d’équilibre. La mer dans ses grandes largeurs, le terroir du Cotentin, les crustacés, coquillages, poissons les plus frais, comme les légumes cultivés en douceur: voilà bien les maîtres du lieu.

Service à la Marine © Maurice Rougemont

Dont témoignera ici un menu de grand goût. On pourra commencer par les huîtres creuses légèrement tiédies  et caviar de hareng comme un cappuccino, le fin tartare tiède de maquereau aux arachides grillées que relève une crème au wasabi (et aussi une tuile sucrée aux cacahuètes, presque superfétatoire), sans omettre une formidable crème légère de langoustine au lait de coco, avec son tartare de langoustine qui fut le plus subtil des exercices de style sur le thème du chaud-froid. Voilà autant de mets d’entrée, fins frais légers, ciselés, iodés, diaboliquement tenus, qui conduisent à penser que depuis le retrait d’Olivier Roellinger de la cour des grands, Laurent Cesne est, avec son compère et voisin du Finistère, Patrick Jeffroy de Carantec, le meilleur connaisseur de la mer de France côte Nord.

Plats à la Marine © Maurice Rougemont

D’ailleurs son livre de référence se nomme tout simplement « Iode », ce qui dit tout. Et qu’exprime encore le filet de bar, avec sa poêlée de seiche en fins copeaux, sa tomate confite aux olives Taggiasche et parfum d’anchois, plus des pommes de terre grenailles du pays cotentinois qu’on suce puis croque en bouche comme des bonbons. Ou encore cet autre bar avec son caviar d’artichaut poivrade en écailles de parmesan, sa rôtie de langoustine. Magique!

Laurent Cesne en cuisine © Maurice Rougemont

On n’oublie pas les jolis desserts si digestes et si frais : composition sur le thème de la pomme, façon Tatin,  avec son sorbet pomme verte, sa gelée au Calvados et son espuma vanille, ou encore consommé glacé de fruits rouges, avec financier aux olives Taggiasche, pistou de basilic et glace à l’huile d’olive. Bref, de quoi prendre le Sud du Cotentin pour le Sud tout court. Et comprendre surtout que Laurent Cesne vaut bien mieux que l’unique étoile dont le Michelin le gratifie avec parcimonie depuis belle lurette.

Une chambre à la Marine © GP