Dal Pescatore
« Canneto-sull’Oglio : la magie continue »
La meilleure table du monde, la meilleure cuisinière du monde, la magie Santini : on a tout dit sur cette maison d’exception sise au coeur du parc naturel de l’Oglio, près du Pô, qui sépare Lombardie et Emilie-Romagne, à mi-chemin de Mantoue, Parme et Crémone, dans ce pays de terre et d’eau où les poissons d’eau douce se pêchent à la ligne. La maison a été fondée par le grand-père Antonio dans les années 1920, qui était le pêcheur d’origine. Elle se transforma peu à peu en table de luxe dans les années 1970. Elle est désormais ce repaire du classicisme à la mantouane, revisitant les mets de la renaissance sous la houlette de Bruna et Nadia que Giovanni relève aujourd’hui, tandis qu’Antonio, le petit-fils du fondateur, et son fils Alberto se relaient en salle et au service des vins.
Ce que l’on vient découvrir ici au fil des jours, de repas délicats, fins, vifs, légers comme une plume, équilibrés avec science? Des mets de tradition renouvelée, peaufinés par l’usage. Ainsi les agnoli in brodo (en bouillon délicat de volaille), la terrine de homard au caviar, l’anguille en escabèche (in carpione) au parfum d’orange, les escargots petits gris de la vallée du Pô, sa sauce aux herbes aromatiques, cèpes et ail doux, le « jardin d’automne », avec artichauts, choux fleurs, poutargue, daurade marinée et crème de haricots ou encore le divin pied de cochon au chou et au céleri.
Rustique chic, savante et délicate, fine et enracinée, entre tradition lombarde et clins d’oeil aigre-doux aux délices du risorgimento : tout ce qui se propose ici émeut, attire, séduit. Le registre des pâtes et farineux offre des chefs d’oeuvre du genre qui se nomment lasagnette au boeuf royal d’Aubrac élevé ici même, flanquée de thym, pousses de navet, moutarde en grains, triangle de pâte à l’oeuf et ricotta, pecorino, fondue de parmesan, truffe blanche, risotto à la fondue de fromage de chèvre et miel Manuka au safran ou encore traditionnels tortelli de courge au safran, amaretti, moutarde de fruit et parmesan, en aigre-doux subtil.
On n’oublie pas le couplet de saison, miraculeux, sur le thème du risotto aux truffes blanches – le chef d’oeuvre du genre – , les amuse-bouche qui mêlent les oignons rouges de Tropea, la crème de mangue et le parfum de menthe, ni, bien sûr, les fameuses tuiles de parmesan, créées ici même par Nadia et copiées dans le monde entier. Ni, bien sûr, les grands vins vantés et expliqués avec pédagogie par le savant Alberto, comme le blanc soave Capitel Foscarino d’Anselmi en Vénétie, le grand secco Anne Maria Clementi de Maurizio Zanella vieilli huit ans de Ca del Bosco à Franciacorta.
Mais aussi les grands rouges des Langhe en Piémont comme le nebbiolo Martinenga ou les supertoscans (Guado al Tasso et Sassica des Bolgheri, mais aussi le Rennina Pieve de San Restitua en brunello di Montalcino de Gaja) qui font des épousailles de rêve avec les beaux chapitres carnassiers d’ici. Ainsi, le fameux boeuf d’Aubrac élevé aux abords, sous la surveillance de Giovanni, diplômé en sciences de l’alimentation, et qui en exhale le grain fin, en épaule braisée sauce au Nebbiolo et polenta jaune ou en longe tendre aux herbes aromatique. Mais la poitrine de canard au vinaigre balsamique traditionnel et sa moutarde de fruit ou encore sa selle de chevreuil aux myrtilles sauce cabernet ne sont pas moins charmeurs.
On y ajoute le joli choix de fromages de toute l’Italie (gorgonzola Malghese, provolone Auricchio, parmigiano reggiano des collines, chèvre de la Vialattea) et les délicats desserts gourmands, comme le chocolat fondant Nyangbo 68 %, kaki, noisettes, amandes et glace vanille, subtil gâteau craquant aux amaretti (en café, crème, croquant et sabayon), plus macaroni d’ananas à la vanille aux grenades et coulis de framboises. Bref, du beau, du grand, du Santini! Cette magie là, on en redemande…