Le foot comme métaphore selon Patrick Besson

Article du 30 novembre 2018

C’est le meilleur livre de cette fin d’année riche en émotions littéraires de toutes sortes. Il est signé Patrick Besson, vieux briscard de 62 ans, qu’on suit depuis ses premiers livres (« les petits maux d’amour » et « la maison du jeune homme seul »), qui nous fit vibrer jadis en contant la saga de sa mère croate (« Dara »), aujourd’hui membre du jury Renaudot (et qui obtint le dit prix pour « les Braban » en 1995), après avoir frôlé le Goncourt pour « Julius et Isaac », qui nous ravit avec ses romans plus ou moins longs (on se rappelle avec nostalgie de « Accessible à une certaine mélancolie« ) ou carrément courts (le délicieux « Cap Kalafatis« ).

Voilà, avec ce « Milieu de Terrain », un livre à lire en trois heures, avec des interruptions nécessaires, des mi-temps, des quart de temps. C’est l’auteur qui le précise, fortiche sur le sujet, abonné au Red Star, incollable sur les collections jaunies de « France Football », qui met en scène l’entraîneur (on dit « coach » aujourd’hui) Elvis Sorge, ex milieu de terrain à Lille, ex vedette de son temps, devenu gourou écouté de ses joueurs, qui a son âge ou presque. Sa mission? Redonner à Y, petite ville moyenne proche de Bordeaux et d’Arcachon, l’envie de croire en elle-même, à son équipe de foot qui vient de remonter en L2 de parvenir à grimper à L1. Son chemin est pavé d’épines. Son libero est nul (mais sa femme charmante, et Elvis va vite en tomber amoureux –  et c’est, bien sûr, réciproque). Il y aura des changements de joueurs (on appelle ça le « mercato »), des aperçus sur le football turc, du « coming out » et quelques péripéties variées et passionnantes – mais on ne va pas tout dévoiler – sur Elvis, son passé, son futur, son amour présent, des clins d’oeil en forme de pichenettes aux islamistes comme aux Croates.

Surtout, Besson s’y révèle calé à l’extrême sur tout ce qui se touche à la planète foot. Saviez-vous, par exemple, que Lev Yachine, le légendaire gardien russe que l’on nommait « l’araignée », jouait une fois sur deux « bourré » à la vodka? Riche en informations de toutes sortes, statistiques et anecdotes, ce roman dense passionnera les fous de foot comme les amateurs de littérature sportive et les amoureux des livres tout court, multipliant les aphorismes avec brio. «Football: sport collectif où c’est chacun pour soi ». Ou encore : « La terre n’est pas ronde, elle est plate, comme un terrain de foot« . Cinglant ! Sacré Besson!

Le milieu de terrain, de Patrick Besson (Grasset, 223 pages, 18 €.)

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Publié le 30 novembre 2018 par

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