Horváth
« Berlin : connaissez-vous Hovarth ? »
Le jeune qui monte dans la cuisine berlinoise se nomme Sebastian Frank. Autrichien de Basse Autriche, formé entre le Burgenland, Vienne (Vestibul au Burgtheater, Steirereck), le Tyrol, Berlinois depuis 2010, 36 ans, il a conquis les étoiles – une en 2011, la seconde en 2016, dans une table façon taverne centenaire, chargée d’histoire, dans le quartier rustique de Kreuzberg. Le Landwehrkanal coule juste en face, l’atmosphère est douce, surtout dans le jardin d’été.
Sebastian, lui, bouscule les codes, sert, en menus de cinq, sept ou neuf séquences, des mets végétariens ou carnassiers, qui se retrouvent mixés en entrées, comme en dessert (le sang de cochon caramélisé en guise de délicatesse d’après dîner!), mais retombent sur leurs pieds. Sens du goût, exaltation de produits nobles, retour aux racines et à l’enfance: voilà ce qui se livre avec talent et allant.
Ce qui ressemble à un café issu de son pot en liminaire est une réduction de légumes racines. Puis les choses sérieuses commencent avec la « viande de riz », un riz vapeur, avec réduction de volaille et vinaigrette de chou fleur. Ensuite? Le céleri râpé et « jeune » au bouillon de poulet, qui, avec le râpage du céleri laisse place à un joli service au guéridon. Il y a encore l’esturgeon à la serbe, si moelleux, avec sa vinaigrette au paprika, les champignons et poireaux avec huile d’amande et salade frisée.
L’un des jolis moments, rustique, chic, autrichien, du repas? La « suppenfleisch » ou soupe de viande, avec pied de veau, jambon cuit, bouillon de volaille, balsamique de pomme signé du distillateur fameux David Gölles. Mais l’on ne s’arrête pas là! Il y a aussi la casserole de légumes, avec fromage de montagne, béchamel de citron, le lait glacé, avec racine persil, sésame, vanille et enfin le royal cochon de lait à l’oignon fumé.
On n’oublie pas les vins d’Autriche, comme le frais grüner veltliner Loos du Kamptal ou l’étonnant rouge cuvée 7 du Burgenland avec blaufrankisch, merlot et syrah, soyeux comme un grand cru du Rhône avec des airs épicés déjà sudistes. Les douceurs? Meringue (dite « baiser« ) au cumin, glace à la crème aigre et Waldmeister, et puis massepain de courge, marmelade au vinaigre, grattons de veau. C’est séducteur, provocateur, de la cuisine de créateur et d’auteur, dans un lieu littéraire dédié au dramaturge Ödön von Horváth. A découvrir pour comprendre le Berlin qui mange, bouge, crée sans trêve!