David Toutain
« Paris 7e : le bon génie Toutain »
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David Toutain ? On l’a sacré à ses débuts – il fut la révélation de l’année au Pudlo 2012, alors à l’Agapé Substance -, suivi rue Surcouf, retrouvé avec plaisir, salué d’emblée, comme il se doit. De fait, l’enthousiasme ne faiblit pas avec celui qui paraît lancer des éclairs de génie dès sa mise sur orbite comme chef à part entière. Ce Normand de l’Orne, passé successivement chez Bruneau au Pressoir à Caen, Veyrat à Annecy, Passard à l’Arpège, Corton à New York, Mugaritz en Espagne, a parfait son chemin, voyagé, regardé, compris. Chez lui, il réalise des menus de haute voltige.
L’élève surdoué est devenu un maître, l’unique étoilé (honte au Michelin!) en vaut deux au moins, flirte avec les trois, égale, avec son menu mystère, son ami Pascal Barbot de l’Astrance, passé lui aussi à l’Arpège, jouant ici la déclinaison du produit, au plus près de sa fraîcheur, de sa rigueur, de sa limpidité. Ce que livre ces temps-ci, David Toutain avec la saint-jacques d’Erquy est non seulement du grand art virtuose, mais dépasse les limites.
Mais on ne met pas la charrue avant les bœufs. Un repas, ici, est comme une sonate, une fugue, une symphonie. Bois de salsifis, chocolat blanc et panais, rouleau de persil, oseille sauvage et genévrier, cromesquis de potimarron et cacahuète, en liminaires sont amuse-gueule de choix, des prémices qui parlent à l’œil comme au palais. Ensuite? Œuf coque, crème de maïs, caramel de carvi, puis pressé de chou de Pontoise, son jus, poire, cédrat en condiment.
Puis, vient le fameux épisode sur le thème des coquilles saint-jacques: d’abord la noix de saint-jacques comme un mille-feuille cru et mariné façon carpaccio, contisé à la truffe, avec ses fines pointes de jaune d’œuf fumé, ensuite ses bardes en andouillette fumée, relevée d’une crème de moutarde, enfin les noix de saint jacques poêlées à la cendre, avec jus de betterave et olive noire: du grand art vif, fin, technique, qui fait rendre un son autre au mollusque bivalve fin, ferme, iodé, translucide et opaque à la fois. Bref, du rarement vu dans l’assiette (on se souvent d’une saint-jacques piquetée à la truffe sur le même thème chez Boulud à New-York, mais c’est à peu près tout).
On embraye ensuite sur les fougueuses tagliatelle de céleri avec châtaigne, craquant de riz et truffe noire: mariage percutant, cinglant, tonique, terrien. Puis le cabillaud nacré avec ses noisettes du Piémont, ses feuilles de navet, son léger beurre blanc aux anchois. On retrouve aussi ce classique de la maison devenu le chef d’œuvre ou si l’on préfère le plat signature de Toutain : l’anguille fumée aux dés de pomme et sésame noir, toujours prodigieux dans son alliance piquante. Et puis encore le juteux canard aux épinards et câpres.
Viennent ensuite – après les copeaux de comté de 36 mois de l’expert de Ferrette Bernard Antony – la ronde des desserts insolites : chou fleur, chocolat blanc et lait de coco, puis kiwi, pomme et glace coriandre, avec sa tuile craquante au sésame, enfin le mariage de l’agrume et de la carotte, avec crémeux d’agrumes, cromesquis de carottes a l’orange, glace à l’huile d’olive, éclats de meringue. On glisse sur les mignardises, sans omettre de saluer la splendide truffe au chocolat et noisette du Piémont la tuerie chocolatée.
On a oublié au passage les jolis vins tous proposés au verre pour rehausser, accompagner, épauler, pimenter cette cuisine pleine d’éclat (s): champagne Diebolt Vallois, beaune de Sarnin-Berrux, vin de l’Hérault du Pradel la Terrasse d’Elise, savigny-les-beaune de Simon Bize, cidre basque aux arômes confits façon pommeau, riesling de Moselle vendange tardive de Kurt Schild, dit « Moselschild », jurançon doux Camin Larreydia de Jean-Marc Grussaute. Bref, du beau, du bon, de la recherche, qwui indique la maison sans cesse en mouvement. On n’a pas fini de chanter la gloire de David Toutain!
C’est vrai que David Toutain a le potentiel pour avoir un jour les trois étoiles.
tout est fumé désormais dans les cuisines parisiennes d’avant garde même les jaunes d’oeuf et l’andouillette, chaud devant. la coquilles saint jacques au truffe et bouillon d’asperges de Thorel reste sans doute insurpassée!
Bravo mon cher Gilles pour cet article remarquable.