Palmarès du Pudlo Paris 2012: les lauréats de l’année

Article du 12 mars 2012

Cuisinier de l’année

Kei Kobayashi, Kei, Paris 1er

Kei en cuisine © DR

Il est le wonder-boy de la nouvelle écurie franco-nippone de Paris. Kei Kobayashi qui a repris Gérard Besson s’est trouvé tout de suite. Ce garçon timide, formé chez Goujon à Fontjoncouse, au Prieuré de Villeneuve-lès-Avignon, au Cerf à Marlenheim, enfin sept ans chez Ducasse au Plaza, a de l’or dans les mains. Ses menus sont des poèmes, son service est aux aguets, avec le malicieux Gilles Josso en sommelier expert. Le cadre a été revu sobrement en bleu pastel. C’est une salle à manger d’amis où l’on vous convie pour une cérémonie gourmande. Les menus s’égrènent en symphonie obligée. Il y a du bon, du splendide, du goût juste, du produit pur et nulle fausse note. On a bien envie de tirer un coup de chapeau au cuisinier artiste et à son équipe motivée.

Jeune chef de l’année

Akrame Benallal, Akrame, Paris 16e    

Akrame Benallal © GP

Il est la nouvelle coqueluche du 16e dans ce qui fut le bistrot Lauriston. Le cadre est high tech, avec sa cuisine ouverte, sa table d’hôte, ses menus imposés, son service alerte, son jeune sommelier plein d’esprit. Akrame, lui, pratique le one man chaud pour tous, œuvre selon le marché et les idées du moment. Ce jeune ancien de Gagnaire et Ferran Adrià, qui tint le Trendy à Tours, sait tout faire et le fait bien. L’émulsion en vogue, le velouté léger, le met acide, la texture nette, le met concret : tout lui sied. Beau gosse, malicieux, cet admirateur inconditionnel de Klein de l’Arnsbourg n’a qu’un seul défaut : c’est de ne pas en avoir. Il travaille en légèreté, finesse, fraîcheur. Son lieu neuf, drôle, sympa, emballe avec ses formules en surprises habiles. A voir pour s’étonner.

Evénement de l’année

David Toutain, Agapé Substance, Paris 6e

David Toutain au travail © GP

David Toutain est un chef avec des ailes, du grain de génie, le sens du produit, de la cuisson juste, du mariage de saveurs exactes. Normand de l’Orne, formé jadis à la Bourride avec Michel Bruneau, il fut le second de Veyrat et de Passard, fila à New York chez Corton. Il est chez lui, associé à Laurent Lapaire dans ce restaurant labo qui fait figure d’OVNI et renouvelle un genre inauguré par l’Atelier de Joël Robuchon. Ici, on mange à la fois en salle et en cuisine, car il n’y a pas de séparation. C’est bruyant, drôle, vif, impertinent.  Sa cuisine de cueillette, de l’instant, d’inspiration, d’idées, qui fait mouche à tout coup, explose de saveurs, indique que la vérité du goût n’est pas au Danemark, ni en Catalogne, mais bien à Paris.

Maître d’hôtel de l’année

Jean-Jacques Chauveau, Le Pré Catelan, Paris 16e

Jean-Jacques Chauveau © GP

C’est l’une des plus belles maisons de France, avec son cadre historique, revu contemporain et le grand service orchestré par le fidèle Jean-Jacques Chauveau – plus de trente ans de maison – qui se souvient d’avoir servi là Orson Welles ou Charles Trénet : il est l’un des plus performants de Paris. Il y a encore la cave fabuleuse, les desserts d’orfèvre de Christelle Brua. Et la cuisine de Frédéric Anton, MOF 2000, jouant l’esthétisme en finesse, sachant décliner un produit de haute tenue avec science et conscience, selon les recettes en trois temps, entre naturel et préciosité. Parisien en diable, avec sa clientèle aussi bien « famille » que « show off », le Pré Catelan se prête à toutes les fêtes. Et si cette demeure dans le bois possède le succès qu’elle a, c’est bien grâce au malicieux Jean-Jacques, maître d’hôtel chef d’œuvre qui donne son âme à la maison.

Table étrangère de l’année

Sanjeev Bhalla, Ratn, Paris 8e

Sanjeev Bhalla © GP

Est-ce la meilleure table indienne de Paris, la plus juste de ton, proposant en outre les produits les plus frais au service d’une cuisine authentique ? Le nom du lieu signifie « joyau » en hindi. Il y a le cadre un peu sombre, délicat, dédié aux divinités, les recoins, les tables rondes, les banquettes, l’accueil pertinent de Sanjeev Bhalla. Puis la cuisine qui célèbre les traditions mogholes, du Nord de l’Inde. La pratique du tandoor, des samossas, du curry, de la muscade et de la cardamome. Une cuisine tout en finesse et non très relevée comme peut l’être la cuisine indienne servie à Londres. Les exquis hors d’œuvre (samossas, beignets de légumes en « calots »), le délicat naan au miel, amandes et safran, les plats du tandoor, le riz basmati cuit sous sa croûte fine ou le kulfi font un lieu apaisant, tenu de bout en bout avec raffinement.

Restaurateur de l’année

Antoine Daccache, Al Mankal, Paris 16e

Antoine Daccache chez Al Mankal © Maurice Rougemont

Le lieu est discret, avec son jardin en patio face à la Seine, ses arbres plantés avec patience. Le patron, Antoine Daccache, accueille comme s’il était à la maison, à toute heure ou presque. Servant le plus beau des mezzés (froids) de Paris : avec hommos bel téhini, moutabal, taboulé ou délicat labné citronné. Mais les mezzés chauds en rafale ne sont pas mal non plus : avec le falafel propre à faire la paix au Proche-Orient, le fatayer, le kebbé et le samboussek. On n’oublie pas les makaneks, ni les desserts au miel ou à la crème de lait. On arrose le tout d’un arak artisanal de la vallée de la Bekaa, en rêvant que les frontières disparaissent et que les prémices de fin de conflit apparaissent. Hôte affable, Antoine sourit avec douceur, sert avec bienveillance conte une histoire plurimillénaire qui est non seulement celle du Liban, mais de toute la Méditerranée.

Bistrot de l’année

Magalie Marian et Delphine Alcover, Bistro Volnay, Paris 2e

Delphine Alcover et Magalie Marian © Maurice Rougemont

Ce bistrot chic aux airs 1900, revu en lieu de charme, avec frises dorées, laque rouge et appliques en verre derrière le long bar, est animé en duo par Magalie Marian et Delphine Alcover. La première fait la salle avec efficacité. La seconde, qui a travaillé dans de belles maisons en France et à l’étranger (notamment chez Gilles Epié en Californie), conseille les vins avec pertinence. Elle vante le condrieu de Vernay ou le volnay Champans du marquis d’Angerville, tandis qu’en cuisine s’active une équipe jeune et dynamique jouant cuisson précise, goût juste, saveurs équilibrées. Une clientèle gourmande de gens de la finance et de la mode en ont fait son QG secret.

Rapport qualité-prix de l’année

Paul-Arthur Berlan, Métropolitain, Paris 4e

L'équipe du Métropolitain © Maurice Rougemont

Damien Richardot, Aurélien Faure et Maxime Delaboudinière,qui possèdent deux tables amusantes dans le 9e (Chez Vous et la Classe) ont tiré le gros lot avec le jeune Paul-Arthur Berlan, natif de Carcassonne, formé chez Franck Putelat, puis chez Sarran à Toulouse, et demi-finaliste de Top Chef.  Le genre « tête bien faite et bien pleine », mais pas star pour deux sous, Paul-Arthur travaille ses plats du jour avec amour, donne des idées fantaisies et esthétisantes à des choses simples qui sonnent juste. Et qui sont soldés au gré de menus donnés. Il y a là un service prompt, charmeur et efficace, plus un décor inspiré du métro avec ses bancs d’époque plein de gaîté. Courez-y : cela mérite un coup de cœur.

Bistrot à vins de l’année

Stéphane Derre, La Cave Beauvau, Paris 8e

Stéphane Derre © Maurice Rougemont

Il y a cent bistrots de qualité dans Paris. Mais l’âme de cette demeure, son franc-parler, sa gentillesse, sa sincérité, sa franchise, sa simplicité royale : voilà qui émeut dans ce lieu années 1950, avec son beau zinc, ses luminaires rustiques, ses prix gentils, son atmosphère bon enfant. Stéphane Derre, fils de charcutier, expert ès charcuteries lui-même, que l’on connut au Gavroche rue Saint-Marc, s’est investi avec force, ferveur et conviction dans le quartier le plus présidentiel de Paris. On y compare, fort sérieusement, à côté des plus jolis crus de beaujolais, le morey-saint-denis d’Hubert Lignier avec une côte rôtie « la Comtesse en Côte Blonde » de Christophe Pichon. Avec cela, le jambon de Paris, les rillettes, la terrine de foies de volaille faite par Stéphane soi-même, les fromages affinés font les plus exquis des casse-croûte.

Pâtissier de l’année

Sébastien Gaudard, « Pâtisserie des Martyrs », Paris 9e

Sébastien Gaudard © GP

Sébastien Gaudard fut l’adjoint de Pierre Hermé chez Fauchon, puis le maestro de Fauchon, enfin l’artiste sucré à l’intérieur du Bon Marché. Ce fils de pâtissier fameux, établi à Pont-à-Mousson, pur Lorrain, continue chez lui la tradition de ce qu’il a appris. Sa neuve demeure ? Claire et moderne, elle va s’appliquer à faire redécouvrir la qualité française, les tartes aux fruits de saison, les babas, les nids d’abeille, les éclairs, les mille-feuilles, mais aussi la tarte au chocolat avec ses fèves et une tarte au citron d’exception avec sa pâte sablée et son fruit frais qui éclate en bouche. Bref, attachez vos ceintures et venez vite goûter les classiques (comme le « mussipontain », frère du Succès et du Saint-Epvre) chez Sébastien Gaudard. Une étoile est née.

Boulanger de l’année

Christophe Vasseur, Du Pain et des Idées, Paris 10e

Christophe Vasseur © Maurice Rougemont

Christophe Vasseur, passé par la mode, ayant séjourné à Hong-Kong, devenu fondu de pain comme on peut l’être de voiture, est un cas à part. Sa boutique historique charme avec sa façade de céramiques, sa collection de boîtes anciennes, ses stores qui affichent leur credo : fabrication traditionnelle à la farine de meule. Le pain des amis, type boule de campagne, mais de forme rectangulaire, issu d’une fermentation lente et peu pétrie avec son brin de levure lentement fermentée, sa farine sombre et odorante, se croque comme du gâteau. Mais il y a aussi le pain au blé, celui au seigle ou aux châtaignes, issu de levain. Plus les jolies viennoiseries  et les tartes de tradition. Bref, une belle demeure avec son artisan hors norme, son monde à part, ses obsessions contagieuses, son amour du pain et ses idées.

Boulanger de l’année

Gontran Cherrier, Paris 18e

Gontran Cherrier © Maurice Rougemont

Une façade couleur chocolat, des murs en carreaux blancs de faïence de style métro, des comptoirs en bois tournés côté rue pour déguster sur tabouret chocolat chaud ou café noir, accompagné d’une viennoiserie. C’est la boutique de Gontran Cherrier, ex-pâtissier de Passard et Senderens, parti voyager dans les pays de l’Est, devenu star de l’édition. Ses réussites ? La baguette blanche avec une pointe de levain, fermentée la veille, la « tradition », moitié poolish moitié levain, avec bel alvéolage et croûte croustillante. La « céréale » avec sésame, pavot, lin, millet, graines torréfiées. Le pain de seigle complet est fabriqué avec une pâte miso pour renforcer le goût atypique de la fermentation. Les viennoiseries sont craquantes et sa pâtisserie de tradition a du coeur.

Boulanger de l’année

Pascal Lecouflet, Boulogne-Billancourt (92)

Pascal Lecouflet © Maurice Rougemont

C’est notre boulanger coup de coeur, simple, modeste, passionné et artisan : un gars qui vous fait saliver avec ses petits pains au comté ou au lard à fondre, sa simple baguette à la mie alvéolée, avec sa croûte craquante, son pain bio joliment parfumé. Bref, son travail d’artisan soigneux et soigné vaut de l’or. Il réalisait jadis, à Courbevoie, des petits pains pour Dalloyau. Installé depuis cinq ans à Boulogne, Pascal Lecouflet fait un tabac justifié dans une boutique anodine sur son bout d’avenue roulante. Bien sûr, sa boutique est anodine. Mais la qualité se niche à l’intérieur. La superbe baguette aux graines, sa boule de campagne, mais aussi son chausson aux pommes et ses croissants aux amandes sont du travail d’artiste.

Fromagers de l’année

Colette et Claude Maret, Aux Bons Fromages, Paris 16e        

Claude et Colette Maret © Maurice Rougemont

Les belles provenances, l’affinage tout en doigté, le meilleur de chaque région : voilà le bon truc des Maret dans leur belle échoppe à l’angle de la rue de la Tour et de la rue de la Pompe. Colette et Claude, mère et fils, reçoivent comme à la maison, conseillent les belles pâtes d’Auvergne avec la foi des convaincus de naissance. Salers, cantal, laguiole, roquefort, saint-nectaire, fourme d’Ambert ou de Montbrison, brique de chèvre et de Courpières sont là à leur meilleur. On ajoute les fromages de Savoie (crémeux reblochon, lactique abondance, fruité beaufort), un camembert coulant et un brie à fondre, plus un beurre de Pamplie de qualité artisanale. Bref, de quoi se faire plaisir, toute l’année et sans se lasser.

Fromager de l’année

Charles Varin-Bernier, La Fermerie, Levallois-Perret (92)

Charles Varin-Bernier © Maurice Rougemont

Charles Varin-Bernier, Lorrain de Bar-le-Duc, qui travailla chez Bongrain, a fait d’une échoppe des années 1930 un temple des meilleures pâtes fermières de tous les terroirs. Camembert de Saint-Loup de Fribois, pont l’évêque du domaine du Plessis, mimolette vieille, beaufort d’alpage, saint-marcellin crémeux ou comté fruité choisis à bonne source, affinés comme il se doit, sont au top du genre. Charles vend aussi les vins de son coeur plus un beurre demi-sel au lait cru signé Gaslonde à Lessay, dans le Cotentin, à fondre. Un as de son registre.

Caviste de l’année

Eric Pasquet, Vivin, Neuilly-sur-Seine

Eric Pasquet © Maurice Rougemont

Il a laissé tomber la technologie pour l’amour du terroir, des produits authentiques et des vins vrais et a créé déjà, cette boutique discrète qui fait cave (magnifique !), table d’hôte et maison de bouche de qualité. Il vante avec la verve du passionné l’iberico de Huelva, la cecina, le beaujolais de Marcel Lapierre, les grands crus de partout, qu’ils soient bourguignons ou bordelais, mais aussi super-toscans de Bolgheri (Sassicaia) ou de Maremme (Ca’Marcanda de Gaja). Il se fait un point d’honneur de ne défendre que les domaines qu’il connaît. Le midi, on goûte les produits sélectionnés avec cœur : boudin, melsat, jambonneau, pâté de tête, filet de porc, cassoulet, poutargue, beaufort ou comté, qui composent des dînettes de qualité.

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