Par Serge Hartmann
Lorrain de naissance, mais Alsacien de cœur, Gilles Pudlowski rend hommage à sa région d’adoption en convoquant les écrivains qui ont si bien parlé d’elle.
On l’attend habituellement sur des territoires très gastronomiques. C’est oublier que Gilles Pudlowski, avant d’aller taquiner la fourchette, a d’abord été critique littéraire et qu’il fut honoré des prix Chardonne et Genevoix pour L’Amour du pays (1986) et qu’on lui doit aussi un roman , Le Voyage de Clémence (1987).
Originaire de Metz, venu à Strasbourg pour y faire ses études, Pudlo ne coupera jamais plus les ponts avec l’Alsace et sa capitale – « la seule ville, dit-il, où je me couche tard ». Certes, un Dictionnaire amoureux de l’Alsace (chez Plon), paru en 2010, lui donnait déjà l’occasion d’opérer une synthèse de ce qui, entre Rhin et Vosges, le submergeait de bonheur.
Réparer une injustice faite à Strasbourg…
Grand dévoreur de livres, intarissable dès lors que la conversation s’engage sur Claude Vigée, Maurice Barrès ou Jean Egen, on ne s’étonnera pas que les éditions Alexandrines soient allées frapper à sa porte lorsqu’elles entreprirent de publier une Alsace des écrivains.
« Ce livre est le fruit d’une commande. J’ai relevé le défi mais sans savoir au départ comment organiser tout cela », raconte Pudlowski.
Plutôt qu’une anthologie un peu compassée, avec une progression chronologique, il aura finalement opté par un itinéraire buissonnier à travers l’Alsace en 26 étapes, de l’Alsace Bossue au Sundgau. Ce qui lui permet d’associer aux grandes figures littéraires sa connaissance très sentimentale, sinon charnelle, des lieux, qu’il arpente régulièrement depuis tant d’années – l’homme est un adepte de la marche.
En résulte un livre qui décline l’Alsace, ses paysages, ses cités, ses habitants et leur histoire, à travers l’amour des mots. Ceux d’écrivains de passage, qui ont pour noms Voltaire, Goethe, Hugo, René Char ou Erik Orsenna. Et ceux qui y sont nés, restituant à travers leur mémoire et leur sensibilité “leur” Alsace – on sent une touchante amitié le liant au poète strasbourgeois Jean-Paul Klée.
« En travaillant sur ce livre, j’ai aussi pu me rendre compte d’une injustice que j’avais faite à Strasbourg. Dans mon Dictionnaire amoureux de l’Alsace , j’avais écrit qu’elle n’était pas, en dépit de tous ses charmes, une ville littéraire. Je peux dire aujourd’hui que c’est faux », dit-il, drapant la ville dans de romantiques atours (Goethe, Nerval, Hugo, Taine, Stendhal, Théophile Gautier…) sans pour autant faire l’impasse sur les plus proches Bernard Frank, Jack-Alain Léger, Assia Djebbar ou Olivier Guez.
S’il se défend de toute approche nostalgique, Pudlowski n’en assume pas moins le côté délicieusement rétro de ses préférences. À quelqu’un qui ignorerait tout de l’Alsace, il conseille en priorité la lecture de L’Ami Fritz (Erckmann-Chatrian), d’ Un Panier de houblon (Claude Vigée), des Tilleuls de Lautenbach (Jean Egen) « et les René Ehni ! ».
Bien sûr, depuis, le profil de l’Alsace a changé. Il veut bien l’admettre. « Mais à travers ces livres, on comprend ce qui a modelé l’âme alsacienne, ce qui la caractérise, ce qui en fait sa beauté. » Un trésor dont, selon lui, « les Alsaciens n’ont même pas vraiment conscience. »
L’Alsace des écrivains de Gilles Pudlowski, aux éditions Alexandrines, 240 pages, 14,50 €.