La Tour d'Argent

Laurent Delarbre © GP

C’est un lieu vif, intemporel et éternel. Un lieu parisien? Bien sûr, et avant tout, qui donne le sentiment du voyage « dans Paris« , comme dirait Cédric Klapisch. Il y a là du décor de cinéma dans cette salle à manger toute en baies vitrées lorgnant vers Notre-Dame et la Seine en contre-bas. Nous sommes là en hauteur, certes. Mais le lieu lui même donne le sentiment des grands moments et des fiers sommets.

Service du canard © GP

La cave, veillée par le sage David Ridgway, le plus british des sommeliers parisiens – plus de trois décennies de maison – est exceptionnelle, en nombre et en qualité, avec un livre de vins comme une encyclopédie. Mais le service, qui, comme la demeure elle-même, sa direction et son équipe de cuisine, a su se rajeunir, ne perd pas de sa superbe, ni de son élégance surannée. On affectionne ici le col cassée et le queue de pie. Autant dire que la maison est fin prête d’un Américain à Paris.

Quenelle brochet © GP

Aux commandes du lieu, André Terrail, fils de Claude, qui possède le prénom de son grand-père, assure avec entrain la permanence de la tradition. Veille sur la salle, le personnel, le labo rajeuni (en 2007) et la brigade sous la houlette du jeune Laurent Delarbre, MOF, venu Café de Paris, formé ici même. Qui a tout pigé de l’esprit du lieu, de ses rites, comme de ses habitudes, de sa tradition et de sa culture. Bref, il y a un esprit « la Tour » qu’il s’agit de ne pas détruire, mais de bonifier.

Saint jacques contisée aux truffes © GP

Ce que démontre avec brio des plats de toute éternité, mythique dans leur énoncé, merveilleux dans leur magie prolongée, jamais décevants, toujours probants, propres à faire retomber en enfance. En premier lieu, l’emblématique quenelle de brochet André Terrail (du nom du grand-père de l’actuel patron) avec sa fine duxelles, si onctueuse et joliment crémée.

Asperges et escargots sauce meurette © GP

Mais le duo d’asperges des Murettes aux escargots sauce meurette (craquants et verts les premiers dans leur fraîcheur de début de saison), avec une suavité vive du vin rouge en réduction rendant ce met sapide avec brio. Il y a pareillement les saint jacques contisées aux dernières truffes noires, avec leur si joliment condiment truffé.

Découpe du canard © GP

Et puis la valse des canards découpés en salle auxquels on ne peut échapper. Aujourd’hui, ce sera le Marco Polo au poivre vert, flanqué de sa fine tartelette à la mangue et de ses royales pommes soufflées, avec sa chair juteuse : un canard de Challans estampillé Burgaud qu’on goûtera ensuite, en guise de repasse, en fine fricassée  avec son jus de canard et sa salade frisée.

Canard au poivre vert © GP

Il y aussi ce plateau de fromage somptueux, où trône le brie de Meaux si joliment affinée de la Ferme des Cinq Arpents estampillée Edmond de Rothschild, sur lequel le blanc de blanc de Chouilly de chez Legras comme le Lalande Borie 1995 qui aura accompagné de repas aux notes de sous-bois très champignons feront, chacun d’eux, selon le goût, tendre ou marqué de magnifiques épousailles.

Canard en salade © GP

En dessert, il y a le soufflé chocolat au lait, le palet de thé au café et parfum d’orange ou les crêpes Belle Epoque. Mais la vedette appartient toujours à la poire Vie Parisienne, avec sa crème vanille parfumée à la williamine avec son caramel dur de jadis revu en caramel fin: c’est le goût d’hier avec la technique d’aujourd’hui. Une manière de ré-illustrer l’antique devise de la demeure: « la Tour point ne leurre« .

Poire vie parisienne © GP