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In de Wulf

« Dranouter: la magie d’In de Wulf »

Article du 6 décembre 2012

Ambiance © Maurice Rougemont

Le bonheur? Il se trouve à 30 mn de Lille, par l’autoroute vers Dunkerque, sortie Bailleul. Puis le GPS vous mène par une route dans la campagne à travers champs. On a traversé la frontière sans même s’en rendre compte. Seuls les panneaux de signalisation ont changé, indiquant que le pays n’est plus le même. Verdoyant, montueux quoiqu’à peine, voilà un « plat pays » flamand, celui du Westhoek, ce coin de l’Ouest à redécouvrir. Le but du voyage, si court, mais si dépaysant: la découverte de Kobe Desramaults, 32 ans, beau gosse, filiforme, barbiche à la d’Artagnan, que la rumeur annonce comme un Noma à la flamande. Et la rumeur n’a pas tort.

Service du vin © Maurice Rougemont

Il y a chez ce garçon réservé, mais sûr de sa démarche « locavore », la volonté de quérir aux sources d’ici les produits qui parsèmeront ses menus symphoniques comme des balades. Le lieu de sa quête lui ressemble: une demeure allongée, simple et belle, qui fut jadis une ancienne ferme, puis l’auberge de sa mère, dont il a fait un lieu contemporain, avec ses pierres repeintes à la chaux, ses lumières et teintes douces. Du beige, du gris, des camaïeux de marron: rien qui éclate ni détonne.

Kobe et son monde © Maurice Rougemont

On s’installe près de la cheminée moderne en pierre, à deux pas de la cuisine vitrée, près de la réception, après avoir pris possession de sa chambre simple et blanche. Et la fête peut commencer. Le service est largement français. Les cuisiniers, qui tous, même lorsqu’ils sont flamands ou d’origine anglo-saxonne, pratiquent la langue de Molière et expliquent leurs plats, y participent. Il y a là comme une communion. Et c’est vrai que cette succession de mets, de saveurs, d’assiettes, procédant par petites touches, est consensuelle, jouant avec les textures, les couleurs, les odeurs, le croquant, la mâche et l’acidité, est bien le reflet du terroir d’ici et de guère loin, de la grande campagne qui nous environne et de la proche mer du Nord.

Apéritifs © Maurice Rougemont

Kobe, qui a travaillé deux ans chez Sergio Hermann, au Oud Sluis, en Hollande, certes, mais en lisière de la Belgique, est revenu chez lui, non sans avoir visité quelques grands confrères comme Michel Bras, chez qui il a connu l’illumination devant le « gargouillou », comprenant que l’on pouvait faire simple et merveilleux à la fois: éblouir avec une « banale » assiette de légumes. Vous avez donc saisi ce qui vous attend là.

Hors d’oeuvre © Maurice Rougemont

Les mini bouchées apéritives apportées sur la pierre et qui se marieront avec l’insolite champagne non dosé issu de pinot noir à 100 % de chez Laurent à Celle-sur-Ours, proposé avec pertinence par une jeune sommelière française au fait de son sujet et qui ne conseille ici que de l’exceptionnel, de l’insolite, mais retombe parfaitement sur ses pieds. Ainsi les croustillants de porc et blette, les chips d’oignon à tremper dans une moutarde douce, le chou rave et égopode, la carotte fermentée à la berce, la betterave en deux temps, façon raviolis, avec yaourt et oseille, le pain brûlé et maroilles, les escargots de Commines ou les têtes de crevettes croustillantes, qui ne sont que des préludes, mais si délicieux et magiques.

Plats © Maurice Rougemont

Il y a ensuite les crevettes de la mer du Nord avec leur feuille de capucine, son radis vert, jouant si joliment entre terre et mer, le crabe et son navet fermenté au lait battu, aiguisant le palais vers le contraste du chaud (navet, lait) et du froid (crabe), les huîtres d’Ostende mariées avec sa sauce au petit lait, son rien de choucroute, ses algues d’Audresselles. On n’oublie pas le poireau grillé au jus de poireau fermenté, sa coquille crue de Dunkerque à déguster quasi crue à la main accrochée à son galet, le bar à la moutarde et brocoli, et, bien sûr, le céleri rave cuit en croûte de sel qui en font un petit cousin flamand d’Alain Passard.

Plats, desserts © Maurice Rougemont

Arrivent alors les instants carnassiers, alors que l’appétit est aiguisé, que le palais encore vif, piqueté de saveurs chantantes et douces: un canard sauvage, si juteux en lamelles, après avoir été cuit au foin, à croquer avec les doigts, et encore le lièvre avec sa betterave brûlée, son oignon rouge, sa verveine. Il y a encore le jeu sur le topinambour, puis le chou-fleur à l’oseille et au fromage bleu d’Achel, le vieux gris de Lille et l’églantier. Ce n’est pas, bien sûr, un repas ordinaire, ni même simplement la révélation d’un talent exceptionnel, mais le poème en prose et saveurs nettes, comme une suite d’assonances rares et rimées, signé d’un enchanteur des Flandres.

Petit déjeuner © Maurice Rougemont

Il y aura encore les douceurs: le potiron et l’argousier façon glace ou le malt avec la bière Pannepot et le coing façon granité, enfin le joli duo pomme et romarin. Et l’on n’omet pas le pinot gris « Folk Off » de Jean-Marc Brignot vinifié par un franc-comtois en Alsace et un brin oxydatif. Comme le mercurey la Plante Chassey de Catherine et Dominique Derain, joliment fruité et acidulé, qui ne pèse pas sur cette cuisine vive et primesautière. Car, le miracle, après cette succession d’une vingtaine de strophes délicieuses: que l’estomac demeure si léger, le palais si net. Et que l’on sera prêt, après une bonne nuit au calme, à entamer l’un des plus exquis petits déjeuners du monde. Mais c’est déjà une autre histoire…

Ambiance © Maurice Rougemont

In de Wulf

Wulvestraat 1
8950 Heuvelland-Dranouter
Belgique
Tél. +32 57 44 55 67
Chambres : 110-210 €
Menus : 105, 125, 165 (vin c.), 205 (vin c.) €
Fermeture hebdo. : Lundi, mardi, mercredi midi, samedi midi
Site: indewulf.be/fr

A propos de cet article

Publié le 6 décembre 2012 par

In de Wulf” : 2 avis

  • Pat & Isa

    Après avoir lu tant d’articles élogieux, nous avons pu enfin hier soir diner au In de Wulf. Et oh ! Quelle déception ! Certes Kobe Desramaults sait cuisiner et utilise des produits frais et locaux, ce qui est un minimum à ce niveau là. En revanche, aucun choc gustatif, aucune surprise. Bref aucun dépaysement. C’est beau c’est bon mais ce n’est pas exceptionnel : ce que nous avons mangé hier, nous l’avons déjà mangé ailleurs (Par exemple, la glace à l’oseille goûtée déjà chez Alexandre Gauthier, combinaison légumes/fleurs chez Bras … ). Et les portions sont plus que ridicules ; un quart de bulot avec sa vinaigrette : de qui se moque-t-on ???
    Le service lui aussi est loin d’être à la hauteur de ce qu’on est en droit d’attendre dans ce genre d’établissement : beaucoup trop nerveux, une mise en scène faussement décontractée et quelques fautes comme nous prendre l’assiette avant qu’elle ne soit terminée (faut dire les portions sont tellement petites qu’elles se perdaient parfois au fond de l’assiette … ) !
    Seule la carte des vins, avec une vrai offre de vins nature était à la hauteur de nos espérances.

  • un merveilleux souvenir et un garçon charmant… j’ai encore le goût de son dessert au sapin et des caramels fumés.

Et vous, qu'en avez-vous pensé ? Donnez-nous votre avis !

In de Wulf