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Eloge du bistrot français

Article du 12 octobre 2012

Il est en librairie, après deux ans d’enquête, de labeur et de plaisir gourmands: voici donc France Bistrots, aux éditions de la Martinière, avec les splendides photos de Maurice Rougemont. Pour les lecteurs de ce blog, en exclusivité, l’intégralité de la préface.

Le bistrot ? Un genre à part. Dont l’étymologie reste mystérieuse. On la fait souvent remonter à l’arrivée des cosaques à Paris, lors de l’occupation de la capitale par les troupes anti-napoléoniennes en 1814, et, qui, déboulant sur le zinc, pour avaler un verre vite fait, se seraient écrié : « bistro, bistro ! » (vite, vite, en russe).

On parle aussi d’une étymologie régionale : du poitevin «  bistraud », du plus nordiste « mastroquet » ou du sudiste « bistroquet », désignant le marchand de vin ou le domestique de ce dernier. On sait encore, que dans le Nord, la « bistouille » désigne le mélange (souvent infâme) de café et d’alcool qu’on servait, tôt le matin, dans les estaminets.

Peu importe l’histoire, la légende et l’inspiration première. Depuis le XIXe siècle, le bistrot (avec ou sans t) désigne un certain établissement à la française : cosy, drôle, sympathique, où l’on mange et boit, où le genre décoratif est d’importance. Cuivre, zinc, patères, boiseries, fresques, stucs, volutes Art nouveau ou lignes Art déco pour le bistrot parisien ou son cousin en ligne directe, le bouchon lyonnais.

Les dames chez Boris (Montpellier) © GP

Guinguette campagnarde en ville ou bistrot à la campagne pour l’estaminet du Nord, taverne boisée, dédiée à l’amour du bon vin, jouant la table d’hôte (le « stammtisch ») pour les habitués ou l’accueil des clients de hasard pour les winstubs, ces débits de vin si caractéristiques, café ou  bouchon provençal, rare bistrot de la marine dans le Grand Ouest ou bistrot de pêcheur à fleur de Loire…

Nous avons, Maurice Rougemont, mon compagnon photographe, et moi-même déniché ainsi quelque quarante pépites dans toute la France qui reflètent, chacun à sa manière, le bel esprit bistrotier. Le décor prime évidemment, mais il n’est pas tout. L’ambiance, les détails ornementaux, qui peuvent être de vieilles plaques, des photographies en noir et blanc (le Val d’Isère à Lyon, la Vignette à Strasbourg) comptent aussi.

Pancarte a l’Assiette (Paris 14e) © Maurice Rougemont

Et la cuisine, comme des détails fondamentaux, tels que l’accueil du patron ou l’air du client, sont tout aussi déterminants. Bref, un bistrot, c’est un tout. « Le cabaret est le parlement du peuple », écrivait Balzac. On pourrait le dire du bistrot. En insistant sur le fait que les nourritures qu’on y prodigue sont très souvent canailles. Que la tête de veau, la quenelle, l’andouillette, les cochonnailles, comme les desserts ménagers et les hors-d’œuvre sages et souvent répétitifs (salade de lentilles, œuf mayonnaise, céleri rémoulade, harengs pommes à l’huile) y ont leur mot à dire.

Un bistrot, ce n’est pas seulement un air de cuisine, une façon de grignoter sans chipoter, de s’amuser avec son voisin en découvrant l’ardoise du moment. En levant, franchement, le coude. En prenant vite ses aises.

Un bistrot, c’est une ambiance, une atmosphère, un décor, avec, en contrepoint, une cuisine, qui peut être simple. Ou sophistiquée, mais jamais trop, et, pourquoi pas, légère.

Un bistrot, c’est lieu où l’on tombe volontiers la veste, où le monsieur engoncé dans sa tenue desserre sa cravate. Un lieu affable, convivial, où la solitude se noie dans la compagnie des autres. Où l’on aime prendre ses habitudes.

C’est cela même notre définition du bistrot : un lieu où l’on a envie de revenir.

Les habitués du Cafe du Jura (Lyon) © Maurice Rougemont

A propos de cet article

Publié le 12 octobre 2012 par

Eloge du bistrot français” : 1 avis

  • Bonjour, l’ardoise en première page avec toutes les races de poules, où est-ce??? C’est pas commun… Merci

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