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Adieu à Robert Sabatier

Article du 28 juin 2012

Avec Robert Sabatier à l’Ambassade d’Auvergne en janvier dernier © GP

Ce matin, il était calme, avait du mal à respirer. Mais j’avais pu venir le voir encore. Il était à Ambroise Paré à Boulogne au 5e étage, où, après Sainte-Perrine, à Chardon-Lagache, une équipe amicale veillait sur lui avec tendresse. J’avais des nouvelles de lui par Florence Godfernaux, sa bienveillante attachée de presse, son amoureuse au secret. Et par Jean-Claude Lamy, mon vieux complice de jadis à France Soir puis au Figaro, qui se penche ces temps-ci, après fait « l’éloge du non » (aux éditions du Rocher) sur l’immortalité. Bref, on sentait bien que la fin était proche. « Est-ce là la mort? », me demandait-il jeudi alors qu’il se sentait faible, lui, le vieux batailleur de tous les combats littéraires, le trublion de toutes les rebellions, franc-tireur et partisan, maquisard en retraite et poète au long cours, qui gardera le masque du petit Olivier à Montmartre pour l’éternité.

Depuis quelques semaines, il nous faisait plus que de la peine. On sentait bien qu’il allait falloir dire adieu à nos repas du dimanche soir, à nos joyeuses virées dans tous les bons bistrots de Paris, à l’aligot de l’Ambassade d’Auvergne, à la « qu’nelle » des Lyonnais rue St Marc, à la tête de veau de Benoît, au pied de porc de Lipp, qui faisaient partie, avec d’autres, de ses adresses de coeur. Nous nous étions connus il y a quelque trente ans, alors que pour les Nouvelles Littéraires, je l’interrogeais sur son « histoire de la poésie française ». Je l’avais suivi dans son village de St Didier, au pied du Ventoux, et nous avions partagé l’omelette aux truffes de Christiane (Lesparre) son épouse, comme les tables de Baumanière de Meissonnier.

Mais je parle déjà du passé. Hier encore, il évoquait la prochaine saison littéraire, les romans qu’il fallait lire pour le Goncourt et qui l’enquiquinaient  – même s’il s’y mettait avec ardeur. Il s’apprêtait à publier un journal littéraire personnel de plus de mille pages, racontait sa guerre, ses souvenirs, avait punaisé sur la porte de sa chambre la photo de ses grands parents en costume auvergnat, comme la sienne en tenue de maquisard et ses papiers de la guerre. La nostalgie, avec Robert, était fleur et source de la poésie.

Il est parti aujourd’hui vers midi doucement. Avec apaisement pourrait-on dire. Le dialogue, la discussion – ce fut souvent des monologues! – n’est pas terminé. « Avec celui que nous aimons, nous avons cessé de parler, et ce n’est pas le silence« , écrivait René Char – que nous allions voir ensemble aux Busclats, en lisière de l’Ile sur Sorgue – à propose de son ami Camus. Ce n’est pas le silence, non. Mais la douce musique des souvenirs, de la gourmandise et de l’amitié qui nous lie pour l’éternité.

A propos de cet article

Publié le 28 juin 2012 par

Adieu à Robert Sabatier” : 1 avis

  • catherine lambret

    J’apprécie énormement votre papier et cet hommage sans grandiloquence à votre ami, à notre ami, Merci !

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