Le Gorille Blanc

Bernard & Benoit Areny © GP

Celui-là, on ne va pas le louper. Bernard Arény: ça fait bien trois décennies au moins qu’on le suit. Ce natif d’Ariège (le pays des montreurs d’ours) fut l’hôte affable de l’Ambassade d’Auvergne, en lisière de Beaubourg et du plateau Rambuteau, puis du Grizzli près de l’hôtel de Ville, enfin du Gorille Blanc, qui succéda à la Cigale, rue Chomel dans le 7e (c’est devenu les Botanistes, dont on vous a parlé ici même en bien).

Scalopine de saumon à la catalane © GP

Bref, l’homme, qui sait recevoir, a gardé son accent croustillant, sa gentillesse débonnaire, sa modestie naturelle, a de la suite dans les idées. Il a gardé son enseigne, fidèle aux ours, avec ses illustrations du bel animal des Pyrénées, joue l’aubergiste de charme dans ce qui fut, jadis, l’Impasse Guéménée. Ma consoeur de Paris-Match, Agathe Godard, qui habite à deux pas, fit beaucoup pour la connaître de cette adresse villageoise, sise en lisière de la place des Vosges et de la maison de Victor Hugo, et l’on peut être sûre qu’elle sera vite de cette nouvelle enseigne. Le lieu avec ses murs de pierre, ses tables en bois simplement mises, ses assiettes choisies en faïence souvent ancienne et ses jolies serviettes a le cachet du vieux Paris revu avec délicatesse par la province.

Filet de maquereau en escabèche © GP

Comme Bernard, que relaye en salle, avec vivacité, son fils Benoît, la cuisine possède du caractère et de l’accent – celui du grand Midi. Aux fourneaux, l’expérimenté Dominique Dubert, qui tint jadis le Beudant dans le 17e, livre une partition rustico-ménagère, assez terrienne, mais aussi maritime, avec des inclinaisons sud-ouest franchement superbes. Comme les prix filent doux et que la formule du déjeuner à 18 € est un cadeau véritable, on se dit que voilà « la » bonne pioche du moment à découvrir.

Chipirons et risotto à l'encre © GP

Tout le bonheur que je vous souhaite? Pouvoir goûter aux mets simples et bons qui figuraient l’autre jour entre carte et ardoise: fine scalopine de saumon à la catalane, filet de maquereau en vive escalivade, petits chipirons joliment sautés à l’huile d’olive avec son risotto à l’encre de seiche, langue de veau sauce piquante et pommes vapeur (un délice de plat d’enfance retrouvé avec bonheur!), bref des mets vifs, sapides, vinaigrés, citronnés, qui ravivent le palais, sans le laisser le temps de s’endormir, mettant du baume au ventre et de la tendresse au coeur.

Langue de veau sauce piquante © GP

On n’oublie pas les jolis couplets sucrés que constituent la flognarde aux pommes et calvados, sur le mode du clafoutis revisité ou encore la fine et craquante dacquoise aux noisettes avec ses quenelles de chocolat et sa sauce arabica. Bref, du bon, du solide, du savoureux, du nerveux. Qu’accompagnent de jolis vins au verre: blanc de Bergerac du domaine des Conti, fruité et séveux beaujolais si friand du domaine du Vissoux.

Flognarde aux pommes © GP

Si ce n »est là le coup de coeur type, je veux bien être pendu, ou transformé en toupie, ou, pire, en inspecteur Michelin. Bref, un seul mot: réservez!

Dacquoise aux noisettes et quenelles au chocolat © GP