Ronan Kervarrec - Le Saison

Ronan Kervarrec © GP

Ce virtuose breton, on le suit depuis belle lurette. Il fut le chef artiste de la Chèvre d’Or, puis le virtuose frôlant les 3 étoiles à l’Hostellerie Plaisance à Saint-Emilion (devenue, depuis son départ, l’Hôtel de Pavie). Mais Ronan Kervarrec, natif d’Hennebont, dont le frère est enraciné en pays rennais, voulait revenir chez lui et au plus près de sa famille. Avec son épouse Els, belge de Courtrai, avec qui il y travailla en traiteur et qui dirige la demeure avec poigne, il a voulu créer « son » univers breton.

Les « patiences » © GP

On vous a déjà parlé de sa demeure, l’ex-Saison de David Etcheverry, devenue la sienne, comme une maison de famille avec ses quelques chambres, sa boutiques, ses salons variés, ses salles à manger comme un joyeux labyrinthe, non loin de la belle église du village proche de Rennes, qui donne le sentiment d’être en visite chez des cousins bretons. Ronan tient sa cuisine avec fermeté, renouvelle sa manière avec envie au fil des arrivages et des saisons. On y était venu en début d’année, constatant que ce technicien de haute volée n’avait pas perdu la main, au contraire !

Blé noir, andouille, lait ribot, cidre © GP

Alors que la prochaine édition du Michelin s’annonce, et que l’on se dit que Ronan devrait retrouver les deux étoiles qu’il détenait à Eze-Village puis à Saint-Emilion, on y est revenu, histoire de prendre la température du moment. Et l’on voit bien qu’avec sa dizaine d’arpètes en cuisine, le gars Ronan joue, sans coup férir, le virtuose de sa région. La manière se renouvelle, les menus se déclinent en autant d’escales terriennes et marines, jouant les souvenirs d’enfance, se succédant avec bonheur et légèreté.

Araignée, crémeux en sorbet, bouillon verveine © GP

Les amuse-bouche nommées ici « patiences » (huître d’Arradon pochée au tapioca et laitue de mer au gin, moules en marinière au curry breton et sorbet anis, langoustine en bisque Kari Gosse et tempura) font une belle ode, juste et légère, à la mer. Puis, la galette de pomme de terre au blé noir de sa grand-mère, avec andouille de Guémené et  lait ribot, escorté d’un cidre au blé noir torréfié de Kystin qui s’affirme comme un met signature – une « signature bretonne » s’entend. On ajoute, sur le même registre, l’araignée de mer au naturel avec crémeux des têtes en sorbet et un fin bouillon infusé aux baies de verveine.

Saint-Jacques, velouté au Noilly, pied de cochon © GP

Et, là-dessus, le muscadet de Sèvre et Maine « Le verger » signé Luneau-Papin en 2019 fait une escorte bretonne bienvenue, vive, fraîche et de grande classe. Il y a ensuite les coquilles Saint-Jacques de la baie de Saint-Brieuc en coussinet, relevé d’un joli velouté des bardes au Noilly-Prat et de pied de cochon au wakamé, le lieu jaune des côtes bretonnes enroulé dans une feuille de nori en cuisson douce au beurre clarifié, avec coquillages et aster maritime.

Lieu Jaune au nori, beurre clarifié, coquillages et aster © GP

Mais le moment somptueux du repas, qu’accompagne un superbe et profond chinon « Les Barnabés », du domaine Olga-Raffault à Savigny-en-Véron en 2019 est ce ris de veau croustillant, cuit au sautoir, flanqué, non sans une audace très canaille, de pied et fraise de veau à l’estragon, avec graines de moutarde, réglisse et kumquat, ses pointes de sauces sapides. Un très grand plat, hommage aux parents Kervarrec qui en raffolaient et seraient sans doute fiers de leurs fils.

Ris de veau au sautoir, fraise de veau à l’estragon © GP

Et en desserts, on joue la fraîcheur, avec la main de bouddha signée de l’agrumiculteur Bachès,  avec sa déclinaison  de clémentine en  marmelade, sorbet et vinaigrette à l’huile d’olive avant les jolies mignardises chocolatées et le tiramisu revu avec glace café et crème anglaise au Bailey’s. Et même le jeune service fait encore ses gammes, on réclame deux étoiles pour l’excellent Ronan !

Main de bouddha, clémentine marmelade, sorbet © GP