Anne de Bretagne

Mathieu Guibert © GP

Anne de Bretagne ? Cette vaste maison blanche face à la mer et au port de Gravette fut célèbre et célébrée du temps des Vétélé, Philippe et Michèle, qui lui donnèrent son aura, ses deux étoiles, sa manière de Relais & Châteaux conquérant, avec sa grande cave et ses menus iodés, hommages aux produits marins du pays. Mathieu Guibert, natif de Pornic, enfant de Saint-Michel-Chef-du-Chef, fils d’agriculteurs locaux, lorgnait la demeure tout gamin. Il en est désormais le propriétaire, mais aussi le valeureux cuisinier, créatif et magicien qui recrée, à qui mieux mieux, une cuisine du temps présent, au fil de l’iode, des arrivages et des marées.

Boucauts, étrilles fenouil – Bouquets émulsion coco © GP

Ce brillant élève de Yannick Alléno (au Meurice), Christian Le Squer (chez Ledoyen), Philippe Mille (aux Crayères), Franck Putelat à Carcassonne, est devenu à son tour un maître, dominant son sujet avec netteté, revoyant coquillages, crustacés, poissons de petite pêche, avec une virtuosité de grand bretteur. La brigade de salle, constituée de têtes bien faites et bien pleines, à l’instar du jeune sommelier tourangeau Steve Gellot, qu’on vit jadis à Megève au Mont d’Arbois chez les Rothschild, du temps de Julien Gatillon, a des airs de premiers de la classe, emportant également l’adhésion. Et tout ce qui se propose là est du plus haut niveau.

Coquillages du pays de Retz en gelée © GP

Les « pré-entrées » sont des hommages à la manière Vételé, avec les huîtres de la maison Gillardeau présentées sous quatre formes (l’une glacée en sorbet, l’autre froide en gelée au chou-fleur, la 3e tiédie en marinière, la dernière chaude aux parfums de curry et cumin) et les crevettes en retour des pêche cuisinées en émulsion avec les boucauts (ou crevettes grises) aux étrilles et fenouil puis les bouquets sur une émulsion coco. On embraye ensuite sur les coquillages du pays de Retz en différentes textures présentées dans une délicate et très tonique gelée faite d’un consommé d’échalotes vif et sapide.

Risotto à l’anguille, langoustines en carpaccio © GP

On poursuit le voyage en mer avec les « rigadeaux » (ou coques ») et les « margates » (blanc de seiche qu’on nomme aussi « morgate ») du pays de Retz, mitonnées avec céleri rave généreusement iodé, plus une écume marinière infusée au thym citron. L’un des plats stars de la demeure ? Le risotto (un riz Vialone Nano) cuisiné à l’anguille fumée, additionné de langoustines bretonnes en épais carpaccio avec émulsion au parmesan choisi par la maison Beillevaire – magnifiquement gourmand, avec ce contraste du cru, du moelleux, du crémeux, du craquant, simplement divin !

Saint Pierre étuvé au café, mousseline de salsifis © GP

On épilogue sur le ferme saint-pierre délicatement étuvé au café, pourvu d’une mousseline de salsifis et de cive  – un poisson traité comme de la viande, qu’une onctueuse émulsion façon cotriade réduite aux airs de fausse « Choron » relève à point. Et on achève sur les sudachi (cet agrume japonais genre citrus) en crémeux très fruité avec une jolie marmelade pamplemousse et un sorbet fenouil confit splendidement acidulé, qu’escorte avec onctuosité une douceur à la vanille de Tahiti relevée de baie de Timut.

Le sommelier Steve Gellot © GP

Là dessus, on boit ligérien et breton, avec le muscadet de Sèvre et Maine  » Monnières Saint Fiacre » 2020 domaine Julien Braud, minéral et sec, qui fait une splendide entrée en matière, plus le royal « vin de France » en blanc dit  » la Justice » en 2018 signé du franc-tireur Jérôme Bretaudeau au domaine de Belle-Vue à Gétigné, qui marie avec réussite 80% chardonnay et 20% savagnin, révélant de jolies notes noisetées et enfin le vouvray moelleux du Clos Naudin de chez Foreau en 2017 qui s’harmonise à merveille avec les desserts. Voilà une grande maison qui fait un prétendant sérieux pour la 3e étoile.

Sudachi en crémeux fruité, sorbet fenouil confit © GP