La Table de l'Alpaga à l’Alpaga

Alexandre Baule © GP

On vous avait annoncé très tôt le départ d’Anthony Bisquerra de Megève. C’est un tout jeune duo de choc qui prend la relève à l’Alpaga, table titulaire de deux étoiles depuis 2020 : Alexandre Baule, qui a été l’adjoint de Christian Sinicropi au Martinez, après avoir travaillé avec Sylvestre Wahid à Baumanière puis à Paris, se frotte ici avec éclat aux saveurs de Savoie, et la pâtissière Tess Evan-Mialet, dont nous allons vite reparler. Jeune isérois, natif de Bourgoin-Jallieu, Alexandre Baule fait ici, en quelque sorte, retour à ses sources montagnardes.

Grenouilles © GP

Son grand menu, qui se dispense en séquences nombreuses, mais légères, fines, digestes, se conçoit ainsi comme une balade, une ode à ses producteurs proches. Ce tout jeune homme (31 ans) se révèle être un technicien hors pair, pratiquant la cuisson douce, a minima, le produit de haute volée, quoique pas forcément le plus onéreux, mis en relief avec un vrai doigté. On y ajoute la ponctuation des vins régionaux sur chaque met ou presque, sous la houlette du sommelier Alexandre Cuvillier, qu’on vit il y a peu au Clarence.

Truite gravlax © GP

On adore ainsi les petits amuse-bouche comme des clins d’oeil, sur le thème de « bienvenue à montagne« . Avec le  sablé de pois chiche relevée d’une vinaigrette à l’échalote, le chou fleur confit au curcuma, avec ail noir et tuile de petit épeautre, plus la pomme de terre soufflée et crème parmentière sur lesquels le champagne Maxime Ponson 1er Cru aux saveurs joliment noisetées offre un contrepoint de choix.

Truite en carpaccio © GP

On est vite dans la danse avec la mise en bouche autour du topinambour et son consommé du même légume, puis les jambonnettes de cuisses de grenouilles au cresson et ail qui rappellent celles, historiques, que créa Bernard Loiseau jadis à Saulieu. Et le vin d’Ayse « Eponyme » en 2020 du domaine Belluard comme un testament de ce vigneron décédé l’an passé, se révèle comme une escorte vive et pertinente.

Butternut © GP

On raffole encore de la truite rosée, juste marinée, si moelleuse, avec sa peau grillé et craquante, son jus d’arêtes comme un beurre blanc, avec poireaux et noix « et de son complément en carpaccio aux oeufs de truites, qui se marient, tous deux, si bien avec la riche roussette de Savoie El Hem 2018 de Gilles Berlioz. Puis le couplet végétal sur le thème du butternut mariée à la châtaigne et à la marjolaine, relevée d’une vinaigrette tiède fait un moment digeste, piquant et brillant.

Le veau de Chartreuse © GP

Côté vins, on reste en Savoie avec la juteuse Mondeuse « Black Giach » 2021 domaine Giachino. Puis on change de mondeuse, pour la riche et concentrée « Noire des reines  » 2020 de Florent Héritier qui épouse à merveille l’exceptionnel filet de veau de Chartreuse, tendre comme du beurre, serti d’un navet boule d’or et d’un glaçon fumé au genièvre avec son jus court aux baies de montagne.

Service des fromages © GP

On ne fait pas l’impasse sur la belle sélection de fromages des alpages choisis. Avant d’aborder aux douceur de la talentueuse pâtissière Tess Evans-Mialet, qu’on connut chez Contraste rue d’Anjou puis au Clarence, avenue Franklin Roosevelt, tous deux dans le 8e parisien. Ses belles idées, vite convaincantes ?

Betterave © GP

Un élixir façon vin chaud avec mondeuse, épices, betterave histoire d’escorter dignement sa mousse légère au bois et baies de genévrier et un frais sorbet betterave, une composition audacieuse et parfumée sur le thème du cédrat, avec sapin et blé noir, enfin un superbe couplet sur la châtaigne, au lait cru de la toute voisine ferme du Planay, avec du safran de Savoie. Bref, voilà un duo de choc qui redonne vie de belle façon à cette table à succès.

Châtaigne et lait cru © GP