La « Rentrée Littéraire » d’Eric Neuhoff

Article du 5 janvier 2022

Le titre – générique – est culotté, comme l’auteur qui n’a jamais la langue dans sa poche, au « Masque et la Plume », ou ailleurs. Le sujet évoque un monde en voie de disparition – celui de l’édition indépendante. Un univers futuriste aussi, où les prix Goncourt et ses suiveurs ne vaudraient pas tripette. Les héros ? Pierre et Claire, un couple marié, uni comme les doigts de la main, passionné par les livres. Tandis que leurs amis rompent ou divorcent, que leur vieux copain Mathieu, écrivain en mal de succès et de consécration, change de fiancée comme de chemise, ils demeurent fidèles à eux-mêmes et à leur maison d’édition qui doit se battre pour survivre à ses échéances bancaires, alors qu’un groupe industriel est sur les rangs pour la reprendre et la renflouer. Tandis que les menaces financières se précisent, ils sortent, boivent, mangent, fréquentent des restaurants où le tout Paris des lettres se croise sans toujours se voir, même si certaines adresses citées ont fermé – comme Claude Sainlouis, rue du Dragon, ou le Perron, rue Perronnet -, ce qui date un brin l’ouvrage. Une manière pour Eric Neuhoff de narguer son époque, de faire la nique à un milieu qu’il connaît par coeur, de multiplier les clins d’oeil, les allusions, les références. Il parvient ainsi à citer deux de ses propres livres en une seule ligne (« la Petite Française », « Un bien fou« ,  deux roman lauréés, ceux-là, par de grands jurys l’un par l’Interallié, l’autre par l’Académie Française ). Une façon bien à lui de rire de tout et de lui-même. De se défier de sa propre nostalgie, en s’avouant démodé. Drôle, vif, tendre, rieur, espiègle, embué d’émotion, multipliant les pirouettes, il réussit à nous amuser, à nous surprendre, à nous attendrir. Ce cynique apparent serait-il un romantique?

Rentrée Littéraire, d’Eric Neuhoff (Albin Michel, 208 pages, 19,90 €)

 

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Publié le 5 janvier 2022 par

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