Jean-Paul Enthoven a du coeur

Article du 17 novembre 2021

Jean-Paul Enthoven, nos lecteurs le connaissent, pour son sens critique, son élégance de plume, son dandysme proustien qui a su s’adapter aux temps nouveaux. Essayiste, éditeur, journaliste, chroniqueur, conseiller, romancier, homme de l’ombre et prince de la lumière, il a eu le coeur brisé par le livre de Raphaël, son fils aîné, roman néo-proustien, où sa famille, au sens très large, était mise en scène et sacrément remise en question. Son nouvel ouvrage débute par son effondrement sur un court de tennis, où un coup un peu appuyé de son adversaire et ami argentin Archibald manque de l’envoyer ad patres. Mais Jean-Paul résiste. Il se retrouve cloué sur un lit d’hôpital, le thorax cisaillé, avec un infirmier rebaptisé par lui « Tom Hanks » qui le rudoie, un chirurgien mondain, alias « le Grand Ponte », qui n’hésite pas à lui demander des tuyaux pour des soirées grivoises, lui l’auteur de « Ce qui plaisait à Blanche », entre deux conseils médicaux sérieux. Tandis qu’un comédien célèbre agonit d’injures les soignants dans la chambre à côté et se meurt,  JPE revoit sa vie qui défile, comme ses amis, les vrais et, en premier, son frère, son double, Bernard « Les Vies », qui prend le temps, entre deux combats chez les Kurdes et les Afghans, de le secouer et lui enjoindre de revivre et de ne pas lâcher prise. D’autres encore, son fils cadet, sa fille, son éditeur, le cher Olivier Nora, sont là. Le souvenir de son père en Algérie, qui creva l’oeil d’un berger arabe, lui revient douloureusement. Dandy chic et amoureux passionné des femmes, de Volante à Vita, de l’Italie éternelle et du Maroc côté Tanger, JPE se révèle ici artiste de l’autofiction, doué d’humour, sachant manier le pardon comme l’autodérision avec une légèreté neuve. Son coeur a lâché? Il suffit d’une opération (longue et lourde, il est vraie), d’une valve, d’une vulve (de cochon?), pour le faire renaître à lui-même.  Différent, plus tolérant, plus ouvert, plus libre sans doute. « La vie peut provisoirement recommencer« , glisse-t-il in fine. Il faut imaginer JPE heureux.

Les raisons du coeur, de Jean-Paul Enthoven (Grasset, 201 pages, 19 €).

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Publié le 17 novembre 2021 par

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