Le Chasse Marée

Gilbert Lucas et son chef François Bérard © Maurice Rougemont

Tout au bout du port de Saint-Vaast-la-Hougue (on pense à la houle, donc au grand vent), Gilbert Lucas a créé un lieu qui constitue la sentinelle de qualité face aux bateaux. Il le sosie- que dis je – la réincarnation du regretté boulanger Lionel Poilâne. Filiforme, cheveu en arrière, verbe haut, il donne le sentiment de défendre sa maison et son dur métier.

Salle à manger © Maurice Rougemont

« Si c’était à refaire, je ne le referais pas : trop dur, trop de boulot, trop de pression, trop de problèmes », lance ce fils de pêcheur devenu restaurateur il y a vingt ans, volontiers râleur, mais passionné, qui reçoit, cependant, avec chaleur dans son bistrot de marin idéal. Le lieu n’existait pas. Il l’a créé de toutes pièces, avec goût et patience, au rez-de -chaussée d’une demeure particulière. Ce fils de pêcheur « élevé à la sole et à la joue de raie » propose ici les produits qu’il aime.

Le décor, avec ses lattes de bois peints, ses fanions de bateaux, son comptoir d’entrée, sa banquette de skaï, sa salle du fond plus quiète, ses chaises bleues, son parquet au soleil, ses marines au mur. Le jeune François Bérard, qui a fait ici son apprentissage ici même et est revenu travailler là, cuisine le poisson avec précision des produits de première fraîcheur et de qualité. Les filets d’anchois marinés, les huîtres de Saint-Vaast de chez Bluzat, à la anse du Cul du Loup, les rillettes de saumon , la salade haddock comme les coquillages farcis ont simplement me ton d’évidence. On les arrose, en choisissant de boire « local », de cidre  du Clos Fleuri de la Cidrerie de la Brique à Saint-Joseph non loin de Valognes.

Plats au Chasse-Marée © Maurice Rougemont

Arès cela ? Ce sera en fonction des menus, des suggestions ou de l’ardoise du jour. Mais Gilbert, qui a son franc parler, sera là pour vous déterminer, défendre telle préparation contre une autre, imposer les beignets de lagoustines, la fricassée, le filet de turbot au beurre blanc ou la cotriade de lotte au curry. « Prenez donc la joue de raie, je suis le seul en Europe à faire, c’est la part du pêcheur », avance-t-il crânement. Et encore en précisant : «  prenez la au beurre noisette plutôt qu’au beurre blanc, il y a là un vinaigre de cidre qui rehausse le tout avec à propos ».

Mise de table © Maurice Rougemont

Les petits légumes tailladés soigneusement en accompagnement, les desserts au goût d’enfance (la mousse au chocolat noir, le nougat glacé maison, la gratin de pommes à la cannelle) sont tous faits maison, en sur mesure. L’heure file, le temps passe. Au dehors, le ciel bruine, sourit, s’éclaircit, mais à peine. Peu importe, on est bien à l’intérieur. Dans ce vrai bistrot normand façon moderne. « Vrai », car Gilbert Lucas l’a inventé.

Le service du cidre © Maurice Rougemont