Tombeau pour le Général par Denis Tillinac

Article du 27 mars 2020

Chapeau, Monsieur Tillinac ! Il y avait un livre à écrire sur le Général et vous l’avez fait. Un livre qui ne soit pas une redite, ni un rabâchage, ni un plaidoyer, ni une hagiographie béate. En 450 pages, sans prétendre aux révélations, mais sans qu’il manque un bouton de guêtre à sa saga, l’auteur de « Spleen en Corrèze » et de « Chirac le Gaulois », nous donne sa version du Général de Gaulle. Mais une version que chacun, gaulliste ou non, pourrait faire sienne.

Il dresse avec brio une brassées de portraits de compagnons ou d’ennemis, d’adversaires ou d’alliés, d’interlocuteurs et de partenaires qui ne sont jamais où on les attend. Dans un dictionnaire ordinaire, amoureux ou non, les dits-intervenants seraient répertoriés alphabétiquement, selon leurs noms. Avec ce grognard de Tillinac, rien ne se passe comme prévu. Chaban-Delmas est devenu « le sportman« , Churchill « le vieux fou« , Gaston Palewski (fort bien traité, d’ailleurs et c’est une des jolies surprises du livre) « le dandy » et Mitterrand, évidemment, « le Florentin« . C’est à la fois érudit et prenant, cinglant et brillant. Le bouillonnant Denis, tout prêt à se quereller par ailleurs, ne règle ici nul compte. Mais il dresse une stèle, un tombeau, un mémorial, à l’homme de Colombey qui incarna si longtemps la France en ses périodes les plus difficiles, sa légitimité, sa volonté de ne jamais plier ni rompre, et qu’il portraiture ainsi en « aventurier shakespearien« .

Vichy, la Résistance, les rapports avec Jean Moulin (avec le magnifique discours de Malraux) ou Paul Morand, quittant l’ambassade de France à Londres et rejoignant Vichy, lorsqu’il arrive dans la capitale anglaise en 1940, le charisme d’un Kessel, le charme d’un Druon, le flegme énigmatique d’un Couve de Murville, la fidélité émouvante d’une Elisabeth de Meribel (« la Carmélite »), la beauté du Chant des Partisans, l’échec du RPF, la fuite à Baden-Baden, les conflits avec Pompidou croqué en « Sancho Panza » : tout cela se trouve évoqué avec passion, élégance, rigueur, non sans une pointe d’humour.

Il y a là fort peu d’erreurs (sinon une ou deux broutilles comme le titre du premier livre de De Gaulle, « la Discorde chez l’Ennemi« , devenu « la Discorde de l’Ennemi« , p. 96, mais ce sera corrigé deux cent pages plus loin), dans ce livre passionnant qu’on lit d’une traite, qu’on relira par bribes et qui restera comme l’un des plus beaux titres de la collection créée par Jean-Claude Simoën.

Le Dictionnaire Amoureux du Général de Denis Tillinac (Plon, 456 pages, 19,80 €).

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Publié le 27 mars 2020 par

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