Le thriller politique de Martin-Chauffier

Article du 1 octobre 2018

On le suit depuis « Pourpre » et « les Canards du Golden Gate ». Il est capable de trousser des thrillers de grande classe avec les affaires qui encombrent les pages de faits divers et/ou de politique du moment. Sirven et Mme Devier-Joncour, Traboulsi, Ardisson et quelques autres traversaient « les Corrompus » ( avec lequel il obtint jadis le prix Interallié), « Belle Amie » « Une affaire embarrassante » ou « Silence, on ment ». « Paris en temps de paix » (paru en 2011), c’était l’évocation d’une France plurielle et métissée, en proie à de nouvelles guerres tribales, mais cherchant le calme à tout prix. C’était un faux polar littéraire entre la Muette et le XVIIIe. Cette fois-ci, Gilles Martin Chauffier franchit le périph », évoque une banlieue difficile, la mort d’un jeune beur, poursuivi par un gardien de la paix,  tout jeune, breton, beau gosse, et une trop jolie (et riche) stagiaire, au commissariat de Versières. Dans cette commune de grande banlieue, règnent un maire cherchant le compromis à tout prix, une conseillère municipale toujours furibarde, un « grand frère » beur jouant le Monsieur « j’arrange tout » entre les diverses communautés et cachant bien son jeu. Il y a le dandy commissaire, la mère de la jeune victime, séductrice malgré elle, les hauts fonctionnaires qui songent avant tout à faire régner le calme et un semblant d’ordre.

Martin-Chauffier fait parler tout le monde tour à tour, n’oublie pas d’évoquer sa chère Bretagne et son île aux Moines de prédilection à travers son jeune gendarme vite accusé d’un meurtre par accident qui pourrait mettre le feu aux poudres d’une France en ébullition (nous sommes en juillet 2016, avant et après l’attentat de Nice) et dont ce livre est le reflet. Les monologues sont désopilants – du Audiard revu BCBG -, l’intrigue menée tambour battant. Et si les personnages frisent tous la caricature ou la dépassent (il y a même le rédacteur de chef de Scoop qui fait beaucoup penser à Paris Match, le magazine de GMC…), c’est pour notre seul plaisir. Martin-Chauffier, qui ne respecte rien ni personne, raconte plus qu’il ne dénonce, amuse et s’amuse, en se moquant de tout le monde. Le racisme, la difficulté de vivre ensemble, la France qui bouge, s’ouvre, mais a bien du mal à s’accepter: voilà les thèmes abordés ici avec brio et taquinerie. Surtout, on ne s’ennuie pas une minute. Rare pour un roman de rentrée!

L’Ere des Suspects de Gilles Martin-Chauffier (Grasset, 286 pages, 19,50 €).

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Publié le 1 octobre 2018 par

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