Une fugue, en compagnie d’Yves Simon

Article du 21 mars 2011

La Compagnie des Femmes, d’Yves Simon

Il aime Léonie, mais se sent vieillir. Décide de partir pour faire le point, écrire, se dirige vers le Sud. Choisit Lyon pour saluer la tombe de son ami Vincent (« suicide de paysan, par pendaison »), prend la voie de l’autoroute, laisse affluer les souvenirs. Sa naissance à Choiseul (Haute Marne), son enfance dans les Vosges, son père cheminot, sa mère serveuse et femme de ménage. Se revoit avec Léonie à la fête du bicentenaire de la Révolution, évoque ses voyages avec elle, dans les provinces françaises, accessibles par le TGV, sa traversée, seule, de l’Amérique, en auto-stop, sur les traces de Steinbeck ou Kerouac (« c’est dans les voyages les plus hostiles que l’on mesure la part de chance que le monde veut bien nous accorder »).

Poursuit sa route vers le Morvan, la Bourgogne des vins, se laisse happer par Meursault, prend en stop un ingénieur retraité devenu prof de français voyageur, avec qui s’engage un dialogue interrompu :

–   « – Vous allez où ?, finit-il par me demander lorsqu’on entra dans Chalon.

–   – Je n’sais pas…

–   – Comment saurez-vous que vous êtes arrivé ? »

Le ton est donné, tandis que l’auteur/narrateur poursuit sa route, son chemin, ses rêves. Il s’arrête à Lyon, se perd rue Mercière, rencontre une Luna dans un bar, retrouve la tombe de Vincent une rose à la main, poursuit sa route. S’arrête en Avignon, rencontre  Camille, une dame d’un certain âge qui tient un salon de thé, le séduit, l’attire. Il poursuit la route encore, vers Aix ou Marseille, s’arrête dans un hôtel de chaîne, sur une rocade autoroutière, s’interroge sur sa vie de fugitif, revoit un voyage au Japon. Tombe devant Lucien, un jeune homme triste qui pourrait être le fils qu’il n’a pas eu, mais doit, le lendemain, aller reconnaître le corps de son père suicidé à Nice. Ce sera presque le bout du voyage.

Il y a aura la ligne bleue de la Méditerranée, mais aussi et toujours le regard obsédant de Léonie, belle métisse antillaise ou princesse peul, qui le veille depuis Paris et ne supporte plus ses absences. Dans cette symphonie, cette fugue autobiographique, dont on aura esquissé quelques mouvements, sa présence lancinante donne « la » des choses. Yves Simon distille, incise, se souvient. « La Compagnie des Femmes » est un roman sur soi et le voyage, soi et les autres, à la fois poétique, joliment rythmé et formidablement complice. Qu’on ne lâche qu’à regret, une fois le voyage et son épilogue achevés.

La Compagnie des Femmes, d’Yves Simon (Stock, 283 pages, 19 €).

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Publié le 21 mars 2011 par

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