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La Rochelle : sonate en Ré

Article du 18 mars 2011

Gare de La Rochelle © GP

La Rochelle? Une ville ouverte à tous les mondes. Il y a la pierre calcaire, si claire, les arcades mystérieuses de ses ruelles pavées qui semblent lutter contre le vent, ses deux tours symboles de sa liberté sur le port, ses églises, ses temples, ses maisons d’armateurs, ses vieux pavés, ses placettes élégantes, ses musées nombreux et variés, son aquarium géant, ses vieux hôtels. Un joyau? Bien sûr. Quoi d’étonnant alors si la ville fut longtemps jalouse de sa beauté, comme de sa liberté?

Les idées de la Réforme y triomphèrent. Richelieu tenta de l’enfermer en ses murs, en son siège de 1627, qui dura 416 jours, laissa un souvenir tragique – seul un quart de la population survécut. La ville est devenue la cité de l’écologie, sous Michel Crépeau, qui mit à la mode les vélos destinés au promeneur sur le port. Elle le demeure, tout en devenant celle de la chanson francophone, avec les « Francofolies », créées par Jean-Louis Foulquier, qui y rassemble les artistes du monde entier chantant en français.

  • Le Port de la Rochelle © GP

Elle est aussi la cité de la voile et du grand vent, de Philippe Poupon ou d’Isabelle Autissier. Des courses comme le Vendée Globe, la Solitaire du Figaro, le Hong Kong Challenge, l’Open UAP y font étape, et des salons nautiques, tel le Grand Pavois, ont fait sa gloire. Le musée maritime, au bassin des chalutiers, qui regroupe, grandeur nature, thoniers, frégates ou chalutiers, raconte ce qui fut jadis un « métier de misère », fait mirer le Joshua de Bernard Moitessier, dit sa majesté, face à l’ancien Encan, transformé en centre de congrès.

Au comptoir chez Rémi Massé © GP

On n’oublie pas la gaieté d’une soirée dans l’une des multiples adresses gourmandes de la rue St Jean du Pérot, un tour au proche bar André, une halte au Quatre Sergents sous la verrière, un pot dans la gaîté chez Remi Massé, qui, venu de l’île de Ré, a établi ses pénates entre son bar/épicerie où il prend de boire coup avec les copains, refaisant le monde et les matches de rugby pour d’éternelles troisième ou quatrième mi-temps, sans mettre de servir à dîner dans son bistrot, régalant de poissons à la plancha et d’un tartare de bar aux huîtres qui font mouche.

Affiche à l'Epicerie/bar © GP

Modeste et réserve, conquérante et fière d’elle, La Rochelle est une petite cité de moins de cent mille habitants, en ses murs, quoique consciente de ses richesses, celles de son patrimoine sauvegardé, de son port industriel de la Pallice, de ses abords riches en parcs à huîtres, en piquets de moules de bouchot. Elle organise la visite de son vieux port avec adresse, de son neuf aquarium, l’un des plus grands de France, avec fierté. Fait visiter son hôtel de ville à la façon d’un château, avec sa tour Renaissance, sa cour grandiose, sans omettre le bureau de son maire Jean Guiton, qui tint le fameux siège et dont on montre, avec un plaisir bravache, la trace de son couteau sur le marbre, menaçant celui ou celle qui se rendrait à l’armée de Richelieu.

Fière et indépendante, La Rochelle garde quelques images au cœur, contradictoires mais fortes, qui impliquent l’amour de la terre d’ici, celle des Charentes, produisant légumes et vignes, cognac et pineau, mais aussi l’attachement pour les rivages lointains. Pour comprendre l’amour du large autant que celui des racines, on visitera l’hôtel Fleuriau dédié au Nouveau Monde. Un cabinet de négociant du XVIIIe qui commerça avec Saint-Domingue, de vieux tableaux, des meubles anciens, un globe terrestre, le fouet en nerf d’hippopotame destiné au « bois d’ébène » et c’est une toute époque qui revit et fut celle de la richesse de la ville.

Comment mieux d’ailleurs lui demeurer fidèle qu’en s’en éloignant? Certains de ses fils sont allés chercher fortune ailleurs, mais y sont demeurés attachés. Ils ont fait le tour du monde, comme l’amiral Duperré, qui fut baron d’Empire, pair de France sous Charles X, à qui l’on doit la prise d’Alger, en 1830, ou Samuel de Champlain, natif du bourg voisin de Brouage, conquérant de la Nouvelle France – les échanges nombreux entre Québecois et Rochelais lui doivent beaucoup. Sans omettre Eugène Fromentin, peintre voyageur qu’inspira les paysages du Maghreb en ses toiles orientalistes, mais qui n’oublia pas ceux, si doux, de son enfance charentaise, dans son roman « Dominique ».

Le Rochelais est-il d’abord un voyageur qui songe à ses côtes dentelées comme à sa riche campagne argileuse? Un bâtisseur de navires, tels les Delmas-Vieljeux ? Ou un gourmet globe trotter, qui n’oublie jamais les fruits de son terroir, comme Jacques le Divellec, lancé ici au Yachtman dans les années 60, mais Parisien depuis de deux décennies? Aujourd’hui les Coutanceau, père et fils, sont les stars sages de la ville, dont ils constituent aussi, les meilleurs ambassadeurs.

 

Eglise d'Ars-en-Ré © GP

Son jardin? Ré: une île, bien sûr, même si depuis 1988, elle n’est plus totalement isolée du continent, avec son pont à péage, bâti par Bouygues, en béton, de trois kilomètres de long qui semble tournoyer au-dessus de la mer. Ré, en chiffres, c’est 8500 ha, 16500 habitants permanents, 135000 résidents l’été, 50000 campeurs, 14000 résidences secondaires. Mais aussi dix villages de Rivedoux à Loix, de la Flotte aux Portes, et encore 80 km de pistes cyclables, pour une longueur totale de 30 km.

La maisons blanches à un étage – et soigneusement blanchies à la chaux -, les toits de tuiles orangées, le port de la Flotte et son joli marché ancien, les vieux hôtels particuliers de Saint-Martin-de-Ré, qui fut jadis une place militaire d’importance, sa prison fameuse édifiée en citadelle, dès 1681, fortifiée par Vauban, l’ancien arsenal, l’hôtel de Clerjotte et le musée Ernest Cognacq, disent sa gloire passée. L’ancienne abbaye des Châteliers, l’étendue lacustre du Fier d’Ars et la réserve naturelle de Lilleau des Niges, le phare des Baleines, haut de 55 mètres, la Maison des marais de Saint Clément et le petit bois de Trousse-Chemise font partie de sa légende.

 

Carte murale de l'île de Ré © GP

Il y a aussi, bien sûr, les ombres littéraires, les silhouettes politiques, les figures mondaines qui hantent l’île, l’été, en faisant un XXIe arrondissement de Paris. Philippe Sollers ou Madeleine Chapsal, Régine Desforges ou Lionel Jospin ont-il élu domicile à Ars-en-Ré? Il se trouvera quelqu’un pour vous indiquer leur demeure de vacanciers discrets. A Ré, on n’est pas venu pour se montrer. Les prix des hôtels de charme, comme l’Océan au Bois-Plage, vénéré par Côté Ouest, ne sont pas ceux de Saint-Tropez. On vient au Vieux Gréement, décoré comme une maison d’hôtes, par Eric Nicolaï, ou au Chat Botté des sœurs Massé, comme si on était en visite chez des amis.

Claude Rich, Jean-Pierre Marielle, André Dussolier, Jacques Toubon, Vincent Lindon, Nicole Garcia,  Sonya Rykiel et Véronique Lopez sont des fans de l’île. Qui en ont fait leur terrain de détente. Comme tous, ils ont laissé les véhicules de luxe au garage, circulent à vélo, vont faire leur marché avec un cabas d’osier, fouinent dans les brocantes, s’isolent à la plage. L’art de l’île de Ré? Savoir faire simple. Leurs lieux de rendez-vous? La Maline, qui est un cinéma, un centre culturel et une salle de spectacle, où les artistes se produisent gratuitement en échange d’un séjour.

Fortification Vauban © GP

 

Une halte, sous le micro-climat doux et paisible de l’île, est un cadeau du ciel. Il y fait deux degrés de plus, en moyenne, qu’à la Rochelle. La vigne y pousse avec aisance. On y produit encore le pineau de Charentes, le cognac, dont il s’agit de l’aire d’appellation la plus septentrionale et la plus maritime. Le sel et sa fleur s’y ramassent encore à la spatule, dans les aires argileuses, comme autrefois, même si le nombre de sauniers a fortement diminué. L’huître, vive et iodée, cousine de celle de Marennes-Oléron, élevée en claires ou en bassins (voir encadré), y jouit d’une moindre grande densité.

L’espace de liberté, la lumière, la vivacité de l’île: tout cela est soigneusement protégé. Sa coopérative agricole rassemble 110 propriétaires viticoles, 55 de pommes de terre, 70 de marais salants. Mais attention, on n ‘additionne pas ses chiffres, certains étant tarditionnellement vignerons et sauniers. D’autres, qui sont l’un ou l’autres, produisent, de fin avril à fin juin, une pomme de terre primeur, au goût beurré et noiseté, qui constitue la première AOC du genre en France.

 

Sur le port de St Martin © GP

Mais qui le sait? L’île aime sa discrétion. Se bat pour sauvegarder ses sites, ses plages, ses ports narquois, ses terrasses sans prétention, ses enseignes à l’écriture naïve. Quand certains parlent de « style îe de Ré », il s’agit de l’art d’être en soi et soi, de ne se mélanger qu’avec parcimonie, de rire sans se gausser et de roulet à bicyclette sur le Fier en partant à la poursuite de la lumière et à l’écoute du silence.

Le monde ici s’arrête à Rivedoux, à deux pas du pont de béton. Ou encore au delà d’Ars avec son clocher crénelé bicolore comme un phare, les Portes avec sa placette centrale simple et belle, Loix et ses simples maisons de villages. Certains s’y inventent des métiers rares, comme les Quillet, qui sont devenus relieurs d’art et restaurateurs de documents anciens, passant de trois à quarante employés en dix ans, oeuvrant sur les grimoires et vieilles gravures envoyés par des administrations sourcilleuses et des bibliothèques ombreuses.

 

Comptoir de l'île de Ré © GP

L’île de Ré est un petit paradis qui se mérite, comme la Rochelle, port d’embarquement vers toutes les aventures, qui a su gardant son identité. C’est leur magie et leur sagesse, leur folie douce et leur raison d’être. Et c’est, bien sûr, pour cela qu’on les aime.

Carnet de Route

Pour se renseigner

Office du Tourisme, place de la Petite Sirène, Le Gabut, 17000 la Rochelle. Tél. 05 46 41 14 68. Fax. 05 46 41 99 85/ 05 46 45 11 56.

Office du Tourisme, place d’Antioche, 17400 St Martin en Ré. Tél. 05 46 30 22 92. Pl. Carnot, 17490 Ars-en-Ré. Tél. 05 46 29 46 09. 17580 . Rue des Barjottes, 17580 Le Bois Plage en Ré. Tél. 05 46 09 23 26. Quai de Sénac, 17630 La Flotte. Tél. 05 46 09 60 38.

Port de St Martin-de-Ré © GP

Ile de Ré Tourisme, BP39. 17410 Saint-Martin-de-Ré. Tél. 05 46 09 00 55. Fax 05 46 09 00 54.

Maison de la Charente-Maritime, 85, av. de la République. 17000 la Rochelle. Tél. 05 46 31 71 71. Fax. 05 46 31 71 77.

Pour y aller

En train, le plus pratique: Paris-La Rochelle en 2h50 depuis la gare Montparnasse. Rens. Info-Train: 08 36 67 68 69.

Un hôtel à la Rochelle

Une chambre au Champlain © GP

Hôtel Champlain/France-Angleterre, 20, rue Rambaud. Tél. 05 46 41 34 66. www.hotelchamplain.com 36 ch. 90-220 €.
Le grand classique de la ville, avec son hall majestueux, son air de maison d’armateur XVIIIe, ses vieux meubles et ses salons moulurés aux plafonds hauts. Le jardin intérieur ombragé est un havre. Chambres à l’ancienne, fort bien tenues.

A propos de cet article

Publié le 18 mars 2011 par

La Rochelle : sonate en Ré” : 1 avis

  • Sweetums

    Merci !

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