Le roman sans fin de Frédéric Beigbeder

Article du 6 janvier 2018

Un roman enquête au long cours, une autobiographie fictive obsessionnelle, une fiction non SF mais un peu tout de même: c’est le nouveau livre signé Frédéric Beigbeder, dont le héros se nomme Frédéric Beigbeder, animateur de télé à succès, en rupture de grand show néo-chimico-pharmaceutique un brin burlesque, en tout cas un Beigbeder qui en a fini avec les drogues, la poudre ou le reste qui obsédaient l’auteur/héros de « Un roman français » ou de « 99 francs », qui a remplacé la coke et autres par les légumes bio et le tofu. Le voilà cinquantenaire, père inquiet et doublement, amant fidèle, veillant sur sa fille Romy et son neuf bébé comme sa belle et neuve compagne genevoise, poursuivant le mythe de la vie éternelle. « L’éternité, c’est long, surtout vers la fin », disait Woody Allen.  Chez Beigbeder, qui a beaucoup lu, beaucoup retenu, il n’y a guère de fin, et l’on se prend à passer un peu les pages au bout de sa quête longuette. Bref, son roman brillamment mené s’éternise un peu. On voyage avec lui en Suisse, en Israël (un moment assez drôle où il se rêve en ashkénaze parfait avec son nez, sa kippa, ses yeux bleus), en Autriche, en Amérique, à la recherche des meilleurs spécialistes de la « non mort ». Rien ne nous est épargné dans cette longue enquête, qui pourrait figurer dans un numéro spécial de Sciences & Vie, sur le bon usage des cellules souches, le nettoyage du sang au laser, le clonage humain, l’influence aussi des robots et de l’intelligence artificielle sur notre comportement (Romy, l’aînée de Frédéric, va d’ailleurs s’éprendre du robot familial, prénommé Pepper).

On ne vous en dit pas plus. Il y a plein de bonnes choses dans ce gros livre cartonné avec son amusante couverture grises, à commencer par cette abondance de phrases malicieuses qui sonnent comme des aphorismes. Ainsi, de son ennuyeuse clinique de luxe en Carinthie : « n’est-il pas tout de même paradoxal que ces endroits conçus pour ne pas mourir donnent autant envie de se suicider ? » Ou encore sur l’influence néfaste des réseaux sociaux: « depuis que chaque être humain est un média, tout le monde veut exercer cette domination sur son prochain« . Voilà le Beigbeder qu’on aime, et qui, mine de rien, se transforme en gourou raisonneur, dispensateur de jolies formules à vivre, jamais à court de bons et belles idées, donc ce livre foisonnant est truffé. Le désir d’éternité? Une billevesée ici trop longuement distillée…

Une vie sans fin de Frédéric Beigbeder (Grasset, 348 pages, 22 €).

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Publié le 6 janvier 2018 par

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