La stèle à un ami défunt de Catherine Cusset

Article du 8 septembre 2016

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Jubilatoire et désespéré: c’est le paradoxe en forme de gageure de ce roman, l’un des plus brillants de la rentrée, qui parvient à conter de façon drôlatique, vive, précise, cursive,  la descente aux enfers d’un séducteur né. Il est beau, fin, intelligent, connaît Proust et le cinéma français comme personne, l’enseigne aux USA, veut grimper les échelons universitaires. Mais tout lui échappe. Catherine Cusset, dont on a tant aimé « le Problème avec Jane », conte la chute lente, inexorable de celui qui fut son ami, son amant, Thomas Bulot dit la Bulle, qui aime Elisa, Ana, Olga, Sylvie, Nora, eut devant lui toutes les portes ouvertes, et les vit se refermer une à une. On suit son destin entre Paris et New-York, Richmond et Portland, en glissant à Venise, Montmartre et Saint-Pétersbourg. Amoureux malheureux, doué de toutes les énergies, finalement diagnostiqué bipolaire sur le tard, Thomas s’enfonce dans ses dettes, ses illusions, ses mensonges. Le drogue, le sexe, l’alcool, la musique seront ses dérivatifs. Inutiles. Catherine Cusset lui rend hommage, retrace sa vie, ses amours, ses déceptions par le menu. Raconte tout. Détaille. Mais ne se perd jamais dans l’illusoire. Le livre s’ouvre d’ailleurs sur la fin tragique de son héros. Si bien que l’on suit ses zigzags de carrière, ses méandres amoureux, en s’attendant au pire. Et lorsqu’il survient, on reste coi. La réussite de ce livre est de parvenir à nous faire croire que tout peut encore changer alors que l’issue a été livrée en liminaire. Les clins d’œil à Proust, les références littéraires sont là en contrepoint. Le récit est écrit à la seconde personne du singulier et le procédé se révèle efficace. Le lecteur est pris à témoin, convoqué comme complice. Cet ami qu’on n’a pu aider, on l’adorait aussi.

L’autre qu’on adorait de Catherine Cusset (Gallimard, 291 pages, 20 €).

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Publié le 8 septembre 2016 par

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