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Quand Christian Millau raconte sa vie…

Article du 11 janvier 2011

Christian Millau lisant son livre © GP

C’est drôle, brillant, cursif, riche en anecdotes et en bons mots, foisonnant de détails insolites et de notations vives. C’est un livre de mémoires non dit, un journal à l’envers, qui commence à sa naissance (ou plutôt ses deux naissances, car il est né un 30 décembre 1928, mais a été déclaré le 1er janvier 1929 « pour gagner un an« ), se poursuit aujourd’hui. Christian Millau, bavard impénitent, mais qu’on ne se lasse pas d’écouter, raconte sa vie et surtout  celle des autres, rend compte de ses rencontres, de ses agacements, de ses émois, de ses découvertes, de ses étonnements perpétuels. Bref, c’est un livre d’heures, de chevet, un peu confession, un brin bilan, pas mal aveu, avec ses formules lapidaires à la Audiard (« Est ce que les cons vivent aussi longtemps que les gens intelligents? Si c’est le cas, est-ce bien la peine de se donner tout ce mal pour avoir l’air intelligent« ), ses règlements de comptes, ses regrets (celui de ne pas avoir mis son poing dans la figure de son collègue Robert Courtine du Monde, ex du Pariser Zeitung, de la Gerbe et de Au Pilori, qui n’a pas changé, même après sa fuite à Sigmaringen, et son épuration – 6 ans de taule, tout de même, à Clervaux – , qui lui fait une déclaration antisémite, concernant Régine, que je vous laisse découvrir, dans les toilettes de Ledoyen).

Chemin faisant, Christian nous fait redécouvrir, avec une sardonique tendresse, Saint Tropez qu’il fréquenta, aima et habita longtemps devenu, selon lui, « le temple de la vulgarité« , se hasarde dans Rome et en Irlande, retrouve Morand, Chardonne (dont il aime tant la voix), Céline, Cendrars, Hemingway, Marcel Aymé, Orson Welles ou Colette, Michel Déon et, bien sûr, Roger Nimier (qui l’embaucha à Opéra, après ses essais au Monde où il commit l’affreux solécisme d’écrire Mitterrand avec un seul « t » – et, en ce temps là, on ne rigolait pas du tout avec les fautes au Monde). Ce hussard, toujours jeune, toujours vif, toujours prêt à s’emporter, à plus de quatre fois vingt ans, n’oublie pas d’enfourcher sa casquette de chroniqueur gourmand. Si la gastronomie vous requiert en premier, allez directement aux pages 29, 58, 118, 302, 335, 340, 346, 454 ou 581. Millau s’amuse, en liminaire, du langage très tendance de nos amis et confrères du Figaroscope, avec un coup de chapeau (ou de griffe?) à Emmanuel Rubin («  »Allure loft, petits plats namedroppés au meilleur du terroir (…) Une gastronomie émotionelle livrant à touche-touche de petites bouchées ourlées dans le sensible. Fragile comme dentelle sur kimono. » Ah, bon, voilà qu’on met maintenant de la dentelle sur les kimonos?« )…  Autant dire on se régale, avec lui, à tous les étages.

Christian Millau sauçant son assiette © GP

En prime, cette formule à ressorts dont on fera ce qu’on voudra: « La vie professionnelle de la cuisine française est la réplique exacte de la vie politique ou sportive. Un formidable panier de crabes où gigotent toutes les passions, jalousies et haines qui, chaque fois, font voler en éclat les initiatives des hommes de bonne volonté. Les tribus gauloises sont incurables ». Bref, et vous l’avez deviné: voilà un livre où il est impossible de s’ennuyer, qu’on peut lire en zig-zag, ouvrir, puis refermer sans trêve, qui pèse un bon kilo, rédigé serré, coûte le prix d’un menu du déjeuner dans un bistrot en vogue (de ces « vrais bistrots » que Christian aime tant, comme le Paul Bert du copain Auboyneau) et qui offre donc un excellent rapport qualité/prix/plaisir. Un détail: si vous voulez tout savoir de lui, de son sens profond des choses, de ses goûts en résumé, lisez les pages 483/484. Et, enfin, si vous voulez connaître le fonds de sa pensée concernant l’évolution du GaultMillau d’aujourd’hui, rendez-vous p. 581. Je ne vous en dis pas plus.

Journal impoli, un siècle au galop 2011-1928, de Christian Millau (Editions du Rocher, 717 pages, 29,90 €). En librairie le 15 janvier.

Quand Christian Millau raconte sa vie…” : 7 avis

  • M. X

    C’est un livre mal écrit: fautes d’orthographe parfois, de syntaxe souvent, tendance journalistique à allonger la sauce là où un peu plus de concision serait bien agréable.
    On se demande pourquoi ce choix du journal sinon pour caser de façon commode (et à la limite de l’honnêteté pour le lecteur) de vieux articles écrits il y a quarante ou cinquante ans. un Journal, forme littéraire noble, n’est pas un fourre-tout, M. Millau.
    Avec forfanterie, Millau raconte des épisodes qui sont plutôt désolants: par exemple la manière dont il « fait le jeune » avec son fils pendant un week-end -pour se « racheter » ?- en l’invitant dans les grands restaurants, les suites à 700€ la nuit, les boîtes de nuit etc…
    On retiendra cependant l’amour qui l’a uni et l’unit encore à Roger Nimier qu’il cite à peu près à toutes les pages. On se donne les maîtres que l’on peut….

  • Brigitte Crestat

    Je viens de lire ce Journal impoli. Gros livre; petite pointure.

  • Xavier du Fraster

    <dans son livre, Millau parle de ces cuisines de retaurants -parfois célèbres- où l'on refourgue la nourriture qui n'a pas été consommée par les clients précédents; son livre donne la même impression. Il nous repasse le plat, se citant lui-même avec une visible délectation à la fois narcissique et ridicule.Livre superficiel, d'un esprit superficiel-la seule cjose juste qu'il dise de lui-même. Mais le plus gênant, c'est lorsqu'il se prend à jouer à l'écrivain avec un ton boursouflé car on sent que ses papilles en frémissent d'aise. Par ailleurs un fond poujadiste très déplaisant dans ses regards sur la société actuelle.

  • Catherine

    En réponse à Yves : en même temps et si comme vous le dites, « le père Millau » radote…personne ne vous oblige à le lire ou alors c’est du masochisme !! Personnellement j’ai eu la chance de le rencontrer à plusieurs reprises et de dîner à sa table, c’est un homme passionnant qui a une multitude d’anedoctes à partager, il les raconte avec talent, esprit et verve ! Lorsque l’on a eu le privilège de croiser au cours de son existence, une telle richesse de personnages, de légendes….c’est au contraire une cadeau que Christian Millau nous offre. C’est donc avec un plaisir non dissimulé que je vais dévorer son livre !

  • Attention, ce ne sont pas « les sept pages intéressantes », mais les passages consacrés à la gastronomie. Il y a 717 pages intéressantes. Nuance!

  • yves

    merci quand même de nous indiquer les 7 pages intéressantes: 29, 58, 118, 302, 335, 340, 346, 454 ou 581 vous êtes pas mal comme critique littéraire Pudlo!

  • yves

    d’un autre côté ça fait 30 ans (et 45 ans que je le lis… depuis l’express) qu’il nous radote ses souvenirs sans grand intérêt le père Millau, c’est pas qu’on se lasse…… mais ça aurait été mieux si son poing il l’avait vraiment foutu sur la gueule au Courtine: on ne peut pas faire semblant d’être courageux disait Napoléon

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