La leçon de vie de Jean d’Ormesson

Article du 23 décembre 2015

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Il se raconte, prend prétexte d’un procès qu’il s’intente à lui-même, se livre aux autres, raconte sa vie, démarre en Allemagne, à l’aube du Nazisme, à Munich, où son père est diplomate et lui enseigne la tolérance, prend sa propre défense, face à son si sévère « sur-moi » qui ne lui pardonne rien, de sa lâcheté, de sa paresse, de son immodestie, de son goût des mondanités, de la quête incessante du plaisir. Il évoque sa famille, riche, nombreuse, courageuse, qui sut résister aux rois (son grand oncle Olivier prit la défense de Fouquet), narre en détail ses démêlés au Figaro avec Pierre Brisson, Robert Hersant ou Bernard Pivot, dont il se sépara et qui, à Apostrophes, fit tant pour sa gloire, évoque la Méditerranée, »notre mer intérieure« , qu’il aima tant, ses amis, ses compagnons, ses pairs, ses admirations. On citera pêle-mêle Maurice Rheims, Paul Morand, Sam Mansour – qui lui inspira le si joli « Voyez comme on danse » -, Aragon, à qui le titre de ce livre est emprunté, comme d’ailleurs certains des précédents (« un jour je m’en irai sans avoir tout dit » et encore « c’est une chose étrange à la fin que le monde »), Raymond Aron (qu’il révère pour son intelligence politique et dont il a le nez avec, en sus, « les yeux de Michèle Morgan »), Bernard Frank, qui le railla avec tant de talent, François Nourissier, qui le devança dans l’art de se dénigrer (avec « Un petit Bourgeois« , « le Musée de l’Homme« , « A défaut de Génie« ), Jean-Marie Rouart, Michel Mohrt, Michel Déon, ses presque frères ou ses cousins de l’Académie, ses voisins de fauteuils, tant vénérés, comme Claude Lévi-Strauss ou Louis de Broglie. Et puis VGE et Mitterrand, ses présidents, dont il fut l’un l’ami, l’autre le dernier confident presque malgré lui. Sans omettre les femmes aimées, Nine, Françoise ou Malcy. Et tant d’autres encore…

Jean d'Ormesson © Maurice Rougemont

Jean d’Ormesson © Maurice Rougemont

Cette vie, comme un livre, ce tourbillon comme un maelstrom,  cette confession comme une danse endiablée, est d’abord une leçon de choses, un cours de bonheur, à la fois récit, mémoires, confidences, projection vers un avenir très incertain. Un clin d’oeil aussi, à 90 ans, eh oui, déjà, à l’éternité qui vient. Voilà un bel ouvrage savant, malicieux, drôle, agile, fugueur, plein de verve, de sagesse empruntée aux autres, nourri de citations en vrac, d’expériences, fourmillant d’anecdotes, glissées avec complicité. Comme une ode au plaisir de vivre…

Je dirai malgré tout que cette vie fut belle, de Jean d’Ormesson (Gallimard, 485 pages, 22,50 €).

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Publié le 23 décembre 2015 par

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