Sylvie le Bihan, on la connaît pour son premier roman, « l’Autre », paru au Seuil l’an passé, qui évoquait les rapports d’une femme et d’un pervers narcissique, non sans cruauté, mais aussi par « la Petite Bibliothèque du Gourmand » (Flammarion, 2013) présentée par Pierre Gagnaire dont elle partage la vie. Son itinéraire d’écrivain, encore bref, se précise, avec ce bel ouvrage où elle nous entraîne dans sa Bretagne natale. La trame est simple: une femme, Marion, prise, prisonnière, entre deux hommes, Paul, son mari, qui lui avoué une tromperie, et qu’elle abandonne dans son appartement de la rue de l’Université, et Niels, beau danois, architecte célèbre, ex star du sport, qu’elle connut il y a dix ans déjà, et qu’elle doit rejoindre encore dans une chambre du Concorde Lafayette. Son destin sera autre. Elle rencontre Roger, un homme perdu, comme elle, dans une église, puis au bar de son hôtel, qui lui propose de l’emmener au bout des terres. Là, aux Sables Blancs de Sainte-Anne-la-Palud, près de Douarnenez, tous deux s’épient, se heurtent, s’agressent, se comprennent, se confient. Il est homosexuel, a mal vécu sa solitude, ses douloureux rapports avec sa mère, il lui reproche son égoïsme. Elle partira pour Belle-île, sa Bretagne plus sudiste, mais Roger lui aura confié ses lourds secrets. Sylvie Le Bihan qui a le sens de l’intrigue, sait décrire les lieux avec sobriété, dessiner les personnages avec un mélange de cruauté et de tendresse, transmuer le drame psychologique en thriller, nous livre ses portraits à l’acide avec acuité. Le cadre de ce drame noir qui se noue, se dénoue, se déroule lentement devant nous, est à la fois fort, prenant, venté. On est très vite complice des personnages qui vont changer ici la donne de leur vie. Ce rendez-vous secret mérite la visite appliquée.

Là où s’arrête la terre, de Sylvie le Bihan (Le Seuil, 287 pages, 18,50 €).