Notre pote Albert, vous le connaissez par coeur. On ne va pas jouer les critiques objectifs en parlant de son livre de souvenirs. Son coeur, son âme, sa joie de vivre, sa science du bon mot, son goût de l’anecdote croquignolesque, il les a mis tout entier dans cet ouvrage plein d’humour et de vraie bonne humeur où il raconte avec faconde et précision non seulement ses années 1980… au temps où Paris était encore une fête perpétuelle, mais bien ses quelques quarante ans de présence à table – côté salle et coulisses, pour celui qui fut le promoteur, le héraut, le RP grand genre du restaurant Olympe. Ses virées en Bourgogne, en Chine, en Suisse, dans le Quercy, à Metz (au temps de la « Poêle de Fer ») ou… chez Castel en compagnie de ses bons amis chefs et chroniqueurs, les aventures homériques, bien arrosées, très arrosées même, avec les Senderens, Guérard, le Coz ou Troisgros, ses scénettes héroi-comiques à la Tour d’Argent (où le cafard grillé frôle le canard au sang), chez Taillevent (le coup de torchon humide en pleine poire) ou Passédat (un soir où l’irascible Jacques Maximin  s’en prend au placide Bernard Frank), les éloges de Bocuse le farceur, Ducasse le généreux, Alléno le conquérant, Jean-Georges le rigoureux, Robuchon l’imperturbable, sans omettre les oubliés Peyrot, Garin ou encore Delaveyne en fin de carrière, nous mènent jusqu’à aujourd’hui. Il y a là une gaîté communicative qui donne envie de redécouvrir le petit monde des fourneaux en laissant au vestiaire son appareil critique. Ce bien joli livre doué d’âme est à placer dans toutes les mains, histoire de se mettre des papillons bleus dans la tête. Voilà un ouvrage qui mérite le prix de l’humour gourmand. Au fait, ça existe?

Albert Nahmias © GP

Petites histoires de grands chefs, d’Albert Nahmias (Hugo & Cie, 312 pages, 17,95 €).