Le Voyant de Jérôme Garcin
Il s’appelait Jacques Lusseyran, fut aveugle à 8 ans, résistant à 17, membre du mouvement Défense de la France, avec Philippe Viannay. Est fait prisonnier par la Gestapo, sera déporté à Buchenwald, libéré après un an et demi de captivité. Interdit d’enseignement en France, il partira aux USA donner des cours de littérature française, y devenant un héros, autant dire une star. On lui doit quelques livres rares comme « Et la lumière fut ». Homme d’action, de réflexion, intellectuel en mouvement, tirant parti de son handicap pour mener une vie différente, Lusseyran est aussi ce grand amoureux, marié trois fois, amant fougueux, père de famille volage, à cheval entre deux continents et deux mondes. Ayant survécu à l’horreur des camps, il meurt « bêtement » lors d’un accident de la route en 1971.
De sa cécité, Lusseyran fera une arme, presque une chance. Jérôme Garcin, à qui on doit de nombreux récits biographiques, passionnés, sur des personnages sinon secondaires, souvent méconnus, toujours passionnants, héros de biais, aventuriers de l’ombre, hommes d’action, dandys de l’écriture, férus de beau langage (ainsi Hérault de Seychelles avec « C’était tous les jours tempête », François-Régis Bastide avec « Son excellence, monsieur mon ami », Jean Prévost, bien sûr, autre résistant au destin tragique, mais aussi Garcin père, mort d’une chute de cheval, lui inspirant un joli devoir de mémoire), lui rend justice avec la force d’écriture qu’on lui connaît. Son livre est à la fois fort, poignant, bouleversant, éclairant, comme une leçon de vie.
Le Voyant, de Jérôme Garcin (Gallimard, 185 pages, 17,50 €).