Hotel Principe di Savoia
« Jour de luxe à Milan »
Je prends le petit déjeuner au 9e étage du Principe di Savoia. Le brouillard donne un aspect féérique et pour tout dire Fritzlangien façon Dr Mabuse au trafic de la Piazza della Repubblica. Nous sommes à Milan, capitale économique de l’Italie, dont on visitera sans doute le château des Sforza, le quartier jeune des Navigli, la cathédrale et ses arcs gothiques, la pinacothèque Brera ou encore les salons de la mode neuve en train de se faire.
Que sais-je? Pour l’heure, il est temps de se mettre en forme et de prendre la pose du nouveau siècle. Ce grand machin de 1927, signé de l’architecte Cesare Tenca, sur ce qu’on nomma alors la piazza Fiume, reçut toutes les têtes couronnées d’Europe, les stars d’Hollywood, les maharadjas comme les beaux et belles des cinq continents, non loin de la gare centrale et du centre historique. Voilà qu’il vient de retrouver son cachet et sa grandeur.
Ce vieil hôtel chantourné, qui possédait le charme de son siècle, avait subi de plein fouet les changements de la ville, devenue métropole économique de la Botte et carrefour mondiale de la mode. Bref, il accusait le poids des ans. Repris par le groupe Dorchester, qui compte le Meurice et le Plaza Athénée à Paris, il avait besoin d’une solide cure de jouvence.
C’est ce que lui ont administré en duo le franco-new-yorkais Thierry Despont et l’italo-londonienne Francesca Basu, designers réputés, qui se sont attaqués l’un aux parties communes, l’autre aux suites de grand style. Conjuguant le baroque, l’Art déco, le classique et le contemporain post-moderne avec richesse quoique sans lourdeur. Bois précieux, marbre, lustres de Murano composent ici une symphonie de luxe qui donne au lieu sa touche classique ineffable.
Il y a encore cette suite impériale d’où je rédige ces lignes, où le designer milanais Céleste d’Anna a donné le point ultime, combinant moderne et ancien avec habileté dans un mobilier séducteur au luxe intemporel, avec ses notes de beige, de rouge, de marron, de fauve, ses tableaux néo-futuristes, ce pastiche du style Empire ou Novecento. De là, la place de la République, aujourd’hui menacée d’engorgement par son flux automobile prend une allure rétro – mais dans le brouillard… – sinon éternelle.
Le Principe di Savoia (le prince de Savoie en français dans le texte), c’est encore un lobby de classe (« Il Salotto »), avec sa rangée de concierges trilingues, son service aux aguets, son bar glamour, sa table exquise (Acanto) dont on reparlera vite. Mais la journée est à peine commencée. Milan, ses musées, ses vitrines, ses façades hautaines couvertes de pubs offertes à la mode est une invite. On y est presque. On y est déjà.