Rouart, le raté magnifique

Article du 6 octobre 2014

Comment débuter sa vie en ratant son bac et la couronner en entrant à l’Académie Française? Lisez le dernier Rouart et vous saurez tout de son itinéraire en zig zag qui se lit comme une leçon de vie: un coup, ses amours avec la charmeuse Solange qui ne se lasse pas de le tromper, un coup les portraits des hommes illustres qui n’ont cessé de le passionner. Jean-Marie R. excelle autant dans l’auto-dénigrement que dans l’esquisse au scalpel de ses contemporains. Il y a ces grands fascinants, comme dirait René Char, tel que Jean d’Ormesson, son parrain, son grand frère, son oncle prestigieux sous la Coupole, dont la séduction intellectuelle et physique lui semble une sorte d’univers absolu, sa Mercedes décapotable, sa demeure corse de St Florent, mais aussi son voisin de fauteuil à l’Académie, Maurice Rheims, modérément canaille, l’anti-voyageur, le génial Claude Lévi-Strauss, François Nourissier, décrit, en pointe acérée, avec « ses yeux d’huîtres » et une sorte de méchanceté sardonique qu’on ne lui connaissait guère.

Il y a là des scènes cocasses (sa visite académique à Jean Guitton qui le somme de louer sa peinture assez faiblarde), cette visite dans une ville d’Auvergne pour présenter son oeuvre où il est accueilli assez médiocrement et qui lui fournit des raisons d’ironiser sur ses contemporains comme sur lui-même, sans omettre cette rencontre au Figaro avec FOG « à la séduction belzébuthienne » qui lui confiera ses secrets et dont il tire une leçon qui pourrait être la sienne: « l’homme condamné jusqu’au bout à subir cette maladie de la vie, où ne reste qu’un désert de l’amour sans   pardon, ni espérance« . Voilà ce curieux livre-gigogne, séduisant, élégant, agaçant, jouant l’auto-portrait comme un miroir.

Ne pars pas avant moi, de Jean-Marie Rouart (Gallimard, 234 pages, 17,90 €).

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Publié le 6 octobre 2014 par

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