Serge Joncour en écrivain national

Article du 27 août 2014

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Ne vous laissez pas abuser par le titre qui est sinon une fadaise, du moins le fruit d’une boutade. Le héros de ce livre, écrivain de renom, quoique non primé, accepte de partir un mois « en résidence » dans un village imaginaire du Morvan. Et le maire de la commune (imaginaire) de Donzères de le présenter à ses administrés comme « l‘écrivain national« . Comprendre: d’importance nationale, susceptible de donner à son bourg d’adoption temporaire à la fois de son temps, de sa réputation et de son renom.

La grande affaire de Donzères, c’est la forêt qui l’entoure. Et aussi un projet d’usine – chéri par le maire – qui la menace. Sans omettre le fait divers qui la marque, au moment de l’arrivée de notre héros littéraire: la disparition d’Henri Commodore, maraîcher en retraite, soupçonné d’être sinon riche, du moins aisé, et qui aurait été la victime d’une petite bande de trublions écolos. Ceux-ci se cachent évidemment dans la forêt. Comme l’enquête piétine, que la gendarmerie se fourvoie, que la cité s’embrouille, c’est notre « écrivain national » qui va s’y coller. En tâchant de retrouver la trace des uns et des autres.

Le duo mis en cause, Aurélik et Dora, venus de la Mitteleuropa sont sur le devant de la scène. Si la premier a été emprisonné, la seconde, hongroise d’origine, belle, sombre, séductrice, va vite attirer les rancoeurs des uns et des autres et provoquer l’attention muée en émotion de l’écrivain sensible. Ce dernier, entre deux conférences, deux cocktails, deux ateliers d’écriture, trouve le temps de se perdre en forêt, de s’embourber dans les halliers, d’y trouver,  de nouvelles motivations d’écrire, de vivre, d’aimer.

Serge Joncour, à qui on doit quelques livres étrangement séducteurs (UV, L’homme qui ne savait pas dire non et surtout L’Idole devenu « Superstar » à l’écran sous la signature de Xavier Giannoli, avec le visage de Kad Merad, qui évoquait déjà le dilemme « inconnu/célébrité »), nous trouble et nous passionne avec ce récit aux airs d’autobiographie déguisée. Cet « écrivain national », décrit avec tant de franchise, entre sa solitude, sa difficulté à être, ses essais parfois maladroits pour communiquer avec autrui, est-ce lui, pierrot lunaire, saltimbanque sympathique, aux airs de judoka malhabile, trimballé, comme malgré lui, d’un salon du livre à l’autre?

Il a en tout cas de le sens de l’écriture cursive, de la formule juste et brève, du presque aphorisme quasi-définitif  (« toute perte est la promesse d’un bienfait à venir »), maniant discours sur l’état fragile du monde et sensibilité exacerbée. Son héros, qui semble lui ressembler comme un frère, nous touche, se perd, se retrouve. Et le livre, lui-même, qui navigue habilement entre satire politique (le maire qui se sert de lui pour sa campagne future, lui refile ses produits bas de gamme achetés au super marché afin de ne pas passer pour un plouc, l’embrigade sous sa bannière), thriller écologique et autobiographie déguisée se déguste sans que jamais l’attention ne se relâche. Il y a près de 400 pages malicieuses, drôles, ferventes, qui comptent, à l’évidence, parmi les plus ensorceleuses de la rentrée.

L’écrivain national, de Serge Joncour (Flammarion, 390 Pages, 21 €).

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Publié le 27 août 2014 par

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