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Michelin: panique à bord?

Article du 18 octobre 2010

Jean-Luc Naret, le playboy démissionnaire © Michelin

Qu’on sache une chose en liminaire: j’adore Michelin qui, depuis un siècle, nous dicte la mode, et à l’aune duquel nous mesurons nos tables. On parle ainsi en terme d’étoile, comme on évoque les distances en mètres et la température en degrés Celsius. J’apprécie aussi la clarté de son système de notation qui a servi, pourquoi ne pas le reconnaître, de modèle à celui du Pudlo, avec ses assiettes et ses couverts, même s’il me semble avoir innové avec les marmites du bon rapport qualité/prix, devenues, trois ans plus tard, chez Michelin, les fameux bibs rouges.

Mais avouons que depuis quelques mois, c’est, un tantinet, panique à bord, sinon, tout à fait, le grand bintz. D’abord, on vient d’apprendre que Jean-Luc Naret, le directeur des guides, avait démissionné, pour créer en fin d’année son cabinet de consulting. Ensuite, que son successeur n’était pas connu et n’avait, en tout cas, pas été désigné. Enfin, que l’avenir de certains des guides qu’il a lancés est incertain. On peut trouver que le style « playboy » souriant, charmeur et chic du gars Jean-Luc, qui fut directeur d’hôtel à Paris et à l’île Maurice, avant de prendre la place de Derek Brown, tranche singulièrement avec celle de ses prédécesseurs.

Il est vrai qu’André Trichot et Bernard Naegellen, ses deux grands prédécesseurs – pardon pour le brave et british Derek, qui n’a guère laissé de souvenirs dans la demeure comme à l’extérieur – faisaient nettement « plus Michelin », genre passe-muraille, gris souris, discrétion affable, certes, mais, en tout cas, davantage clergyman ou pasteur protestant que RP tout azimut façon Naret. Reste que ce dernier a su ouvrir Michelin a un univers en mouvement, développant les guides en Asie (Japon, certes, avec le succès qu’on sait, mais aussi Shanghai et Hong Kong), sans omettre New-York  et San Francisco. Si les Michelin Autriche et Las Vegas sont provisoirement en stand-by, ils ont le mérite d’avoir remué le monde.

Le seul reproche – le vrai – qu’on puisse faire à Jean-Luc Naret? Que, sous son égide, le Michelin a été vidé de toute idéologie, de tout principe régulateur, sinon de toute éthique, en tout cas de toute ligne directrice,  telle que ce fut le cas au temps de Trichot et de Naegelen: une grande maison Michelin ou une bonne petite boîte, alors, on savait ce que c’était. Aujourd’hui, on n’y comprend plus goutte. Un seul exemple: les trois étoiles offertes cette année à Gilles Goujon de Fontjoncouse dont on dira d’abord qu’il s’agissait de récompenser un cuisinier courageux, perdu dans les Corbières, mais nul ne sera persuadé que cette maison vaut trois trois étoiles dans l’absolu. De même  d'(admirables) sushi bars de Tokyo ont été pareillement trois fois étoilés, alors qu’en France, ils n’auraient  même pas… une étoile!

Bref, sans vouloir en rajouter, sachons que si une hirondelle ne fait pas le printemps, il faut plus d’un Naret, même délicieux et charmeur, pour faire un Michelin. Et que l’institution de la rue de Breteuil continuera sans lui. Ce qui ajoute encore à la confusion c’est que, sous son égide, en collaboration avec les éditions Glénat, s’est créé le magazine « Etoile », censément être le « magazine du Michelin ». Or beaucoup de tables par ce dernier recensé sont d’une part dépourvues d’étoiles et d’autre part, les trois étoiles officielles sont, souvent, traitées par dessus la jambe. Dans la dernière livraison d’Etoile, si l’on excepte un chapitre dédié à Michel Guérard et une enquête sur les grands chefs français conquérant le monde, le concert de Cuisine, une bonne table nippone du 15e, neuve donc sans distinction, a droit a une pleine page, alors que, une page avant, un triple étoilé tel que Michel Trama de Puymirol a droit, lui, à quelques lignes maigrelette.

In fine, on précisera que le Michelin France d’aujourd’hui est dirigé par une allemande, la très discrète Juliane Caspar. Mais que celle-ci n’a pas droit au chapitre s’agissant d’Etoile, managé par Philippe Rossat (Glénat) et Jean-François Mesplède (ancien directeur du même Michelin France), tous deux directeurs de la rédaction, et Jérôme Berger (un ex du Pudlo), rédacteur en chef adjoint – mais il n’y a pas de rédacteur en chef ! Bref, si y comprenez quelque chose, éclairez ma lanterne.

A propos de cet article

Publié le 18 octobre 2010 par

Michelin: panique à bord?” : 28 avis

  • Mesplède

    Ce que je trouve fabuleux (si je puis dire) alors que certains dont je fais partie donnent leur vrai nom pour répondre ou apporter un commentaire, d’autres adoptent un pseudonyme qui leur permet de déverser du fiel ou de faire des commentaires désobligeants sans les assumer. Je ne trouve pas gênant de ne pas plaire à tout le monde et j’ai quelques bons amis fidèles mais ce serait plus courageux pour certains de « parler » à visage découvert. Au fait je n’appartiens à aucune loge : désolé pour celui qui pensait cette information en béton !

  • Heureusement, il reste, au niveau des magazines rattachés à un guide, Régal d’UniEditions, filiale du Crédit Agricole (qui pratique le système de la vente groupée pour faire des lecteurs captifs qui ont parfois bien du mal à se désabonner), repreneur du Bottin Gourmand, avec surtout une équipe de fins connaisseurs qui à l’air de disposer des mêmes qualités que celles citées par Jean dans sa dernière phrase … je plaisante bien sûr, mais juste sur le terme « les connaisseurs ».

  • jean

    quoi de neuf ?
    un magazine financé par un groupe qui fait 20 milliards d’euros de CA s’arrête dans la plus honteuse
    discrétion ?des attachées de presse prétentieuses (et nombreuses)qui se font très discrètes…
    des journalistes aveugles et pas très courageux….finalement une marque Michelin qui n’intéresse
    personne et n’attire aucun lecteur
    en résumé une bande de bras cassé dont la suffisance n’a d’égale que l’incompétence..

  • Vous êtes plus au courant que moi…

  • De toutes manières étoile s’arrête non?

  • Feuilly

    Je lis avec bien du retard l’article sur le Guide Michelin. Parmi les critiques à relever à l’endroit de la revue « Etoiles » notamment, il suffit de relever les signatures collaborant à ce magazine. Nombre des rédacteurs d’articles sont par ailleurs chroniqueurs gastronomiques dans d’autres titres ! Inutile d’en rajouter, le Michelin ne risque pas la critique dans les journaux auxquels ils collaborent !

  • la lanterne

    mesplède viré d’Etoile ? quelqu’un peut éclairer ma lanterne?

  • SYLVAIN

    Bonjour,

    jeudi 11 novembre chez gilles goujon à fontjoncouse dans les corbières, déjeuner entre amis, un excellent moment. Certes, mais ainsi que vous le rappelez, le guide rouge n’a plus aucune cohérence. On ne peut décidemment rien reprocher à ce chef méritant à plusieurs titre et j’ai personnellement apprécié le service « décontracté » et bien moins  » psychorigide » que dans d’autres 3 étoilés mais il faut se rendre à l’évidence, c’est trés bon mais pour moi trés loin de ce que l’on est en droit d’attendre à ce niveau de distinction…ce qui n’enlève rien aux qualités de ce chef généreux mais jette un sérieux discrédit sur la prétendue référence en matière de guide gastronomique….

  • la lanterne

    selon la tribune de vente ventes marchands de journaux en france
    Maxi Cuisine 201 575 ex
    Cuisine et Vins de France 87 517 ex
    Elle à Table 83 517 ex
    Régal 46 031 ex
    Saveurs 40 895 ex
    Cuisine by Cyril Lignac 31 492 ex
    Gault Millau 8500 ex ?
    Etoile 6500 ex ?

    ps Tribune de la vente numéro de Novembre 2010

  • la lanterne

    mea culpa,Glénat a réussi à écarter Mesplede, l’avenir d’Etoile se profile sous un
    jour meilleur

  • Cassandra

    C’est clair que Naret est soucieux de son image. Mais diriger un guide gastronomique est un choix étrange pour quelqu’un dont la gastronomie n’est visiblement pas la tasse de thé. A mon avis, un minimum de passion est souhaitable pour ce travail. Alors, quel est sa motivation ? L’argent ? Le pouvoir ? La possibilité de créer une agence de consulting après quelques années et vivre comfortablement grace à un réseau bien installé ?
    Oui, le Michelin NYC est au « goût français » en ce qui concerne la technique de cuisine (même si la cuisine d’un Thomas Keller est à mon avis aussi « frenchie » que celle d’un Daniel Boulud). Quand au Michelin Chicago, avec une pluie d’étoiles pour Alinea et Moto je me demande, si le message du guide ne serait pas du genre : « Un jour vous mangerez des pneus. Et ça vous plaira ! » Je n’aime guère les hydrocolloides en guise de repas.

  • la lanterne

    glenat n’est plus éditeur mais fournisseur ,alors qu’etoile marche ou pas c’est le dernier
    de ses soucis

  • Loly

    Deux choses à propos de Jean-Luc Naret. IL est avant tout son propre attaché de presse soucieux de son image. Deuxio la gastronomie n’a jamais vraiment été sa tasse de thé. Il a par contre senti le vent du boulet et a décidé de plébiscité des chefs – en une étoile principalement – dont la rue se faisait l’echo depuis des années. IL a su developper l’international ce qui rapplelons le est la vocation première de la maison mère. N’oublions jamais que le guide est une vitrine pour vendre du pneu et ce depuis plus d’un siècle. Para illeurs le Michelin a New York célèbre quand même souvent des tables au goût français ou tenues par des français ou presque.

  • Cassandra

    M. Verjus, ferait-il allusion à Derek Brown, qui s’affiche en Grande-Bretagne comme le grand ami de Gordon Ramsay ? C’est d’ailleur un « wise move », car qui finance Ramsay ? Un fond d’investissement bien connu mais pas bien vu partout, tenu comme responsable pour des pertes des milliers d’emplois dans le pays de Juliane Caspar …. Regardez un peu les courriers que les restaurateurs reçoivent de la part du Michelin : Tout est bon pour vendre, il y a un petit exemple sur le blog du regretté Jean-Claude Vrinat. Je suppose que tout le monde réuni ici connaît les réseaux de M. Mesplède. Permettez-moi quand même de lui poser une seule question: Comment peut-on juger des chefs – en toute impartialité – avec qui on a écrit des livres ? En ce qui concerne le Michelin et Etoile, il n’y a qu’une philosophie : Peu importe la gastronomie, la qualité, le produit. Il s’agit de rentabiliser, car « le guide n’est pas une danseuse ». Mais le lecteur n’est pas dupe, l’échec de « Etoile » le prouve. Le co-éditeur Glénat serait-il sorti d’une affaire rentable ?

  • Olivier

    Bonjour Mr Pudlowski ,
    Cuisinier par passion, je suis un fidèle lecteur de votre blog, et fervent souteneur de votre guide. Je suis totalement écœuré par l’ensemble des guides gastronomiques, nous sommes étoilés michelin,et quand je vois notre note dans un certain guide jaune (pour ne pas le citer !!) je ne comprend plus rien !!!! J’officie dans un lieu magique en Bretagne sud, et dans ce fameux guide nous avons la même note qu’une brasserie !!!!certes il n’y a que 2 types de cuisine… Je suis dégouté maintenant de me lever le matin à 7h pour aller à la criée et ramener le meilleur des petits côtiers pour nos fidèles clients,pour aller au devant de mes petits producteurs locaux, de changer ma carte toute les 3 semaines afin d’offrir le meilleur des produits, pour quel résultat si ce n’est une satisfaction personnelle avec le bonheur d’un travail bien accompli. Je dénonce ces guides,(jaune et le grand Marc de ….. juste en apparence!!!)qui attribuent plus les notes et points en fonction de liens affectifs et du degré de copinage… Continuer Mr Pudlowski avec vos coups de gueule, pas assez répandus à mon gout ! Certes mon article ne concerne pas que le michelin mais les guides en général, c’était juste un coup de gueule que je voulais pousser, ca fait du bien. Au plaisir de vous voir en Bretagne

  • Maisonneuve

    A scruter la pertinence dans les « exploits » de Mesplède, on finit par en perdre le fil d’Ariane. Ses circuits ne mènent nulle part, sinon dans le mur de la platitude et de la non découverte. Il serait sans doute préférable que ce Lyonnais d’origine (et qui s’est approprié cette étiquette comme une preuve de « gastronome certifié ») exerce ses talents dans les opuscules de la Loge dont il dépend.

  • la lanterne

    si c’est kado le mickey est content, soyons sérieux le mespléde n’est pas crédible
    guérard et gagnaire sont tellement content du dernier numéro de la tache
    qu’ils s’en servent de communiqué de presse

  • Cher Jean-François, m’as tu mal lu? Ou fais tu semblant de ne pas comprendre? Personne ne pense qu’Etoile se consacre ou doit se consacrer aux trois étoiles. En revanche, nul ne comprend l’interaction qui existe entre ce magazine, qui est en théorie l’organe du Michelin, avec le guide rouge. Un seul exemple, ce qui prouve que je te lis: tu publies l’an passé une fort intéressante route de l’inspecteur en Moselle. Où tu parles de Volmunster et de sa toute belle et neuve auberge (l’Argousier). Quelques mois plus tard sort le Michelin: rien sur Volmunster, rien sur l’Argousier! Que comprendre?

  • Je suis surpris de la prose de ce cher Gilles Pudlowski à propos du magazine Étoile dont le but n’est pas de traiter uniquement les trois étoilés ! On en parle bien sûr comme nous parlons d’établissements intéressants, étoilés ou non et des découvertes des inspecteurs sur les routes de France qu’ils parcourent toute l’année. Si j’en crois ses fidèles lecteurs la grande force du guide Michelin ce sont toutes ces petites adresses (étoilés ou non, Bib Gourmand ou non) qui font la richesse de la France. C’est la même philosophie qui guide l’équipe d’Étoile que j’ai le plaisir de co-diriger avec Philippe Rossat et le précieux concours de Jérôme Lefort.
    Cordialement

  • Là, c’est du lourd …. Il faut se souvenir que depuis quelques années les anciens directeurs du Michelin font du consulting. Et à votre avis que vendent-ils sinon des promesses d’étoiles … A venir la probable ascension de La Tour d’Argent à Paris, par exemple.

  • Là, je suis bouche bée…

  • Cassandra

    Wissler au restaurant Vendôme à Bensberg. Un chef qui recolle des filets de poissons avec de la transglutaminase après avoir enlevé les arêtes.
    Madame Caspar est devenue rédactrice en chef du Michelin Deutschland en 2005, Wissler a reçu ses trois macarons en octobre 2006. D’ailleurs, la carrière de Mme Caspar a été plutôt atypique: A peine 2 ans et demi comme « inspectrice ». Naegellen avait l’habitude de dire qu’il faut cinq ans pour former un bon inspecteur … Certains voient dans cette rapide ascension une intervention de M. Naret. On ne le saura jamais. Mais, même si Naret quitte Michelin, les « Naretiens » resteront en place. Un bon réseau pour épauler une agence de consulting, non?

  • Amador ?

  • Cassandra

    On peut s’interroger sur le styème que Naret a mis en place. Prenons la « discrete Juliane Caspar »: Elle officiait comme maître d’hôtel dans un restaurant tendance « moléculaire » en Allemagne, près de Cologne avant de rejoindre les rangs du guide. Qui recevait les trois macarons à peine un an après que Mme Caspar a été nomme rédactrice en chef du Michelin « Deutschland »? Son ex-employeur….

  • Personne n’est mort. Et Jean-Luc Naret vogue vers de nouvelles aventures… Grâces lui soient rendues pour son côté « RP » si brillamment assumé. En attendant, on aimerait comprendre dans quelle direction souffle le vent chez Michelin… Et, personnellement, comme beaucoup de gens, fidèles du guide rouge, je suis dans le brouillard…

  • Justin

    Le roi est mort, vive le roi!
    Que l’on aime ou que l’on déteste le Michelin, Naret aura au moins su le faire changer de siècle.
    D’un guide rouge poussiéreux pose a l’arrière de nos vielles citroen (équipées de pneu michelin bien sur…) il aura su le transformer avec ses équipes en une référence mondiale durant son règne. Bravo car le pari était difficile et bonne chance a son successeur!

  • fabrice

    Bravo Mr PUDLO , je pensais cela depuis un bout de temps !! et vous le dites par le truchement de votre blog . Le MICHELIN avec NARET est devenu très bling bling mais l’international était nécéssaire pour ne pas se scléroser … La révolution eut été la quatriéme étoile qui aurait permis de faire un meilleur tri .

  • Paule

    Je suis tout à fait d’accord sur l’absence de ligne directrice, non seulement dans l’attribution des étoiles mais aussi dans l’absence d’étoile ! Je pense au Diane (Fouquet’s Barrière) qui n’en a même pas une alors qu’il en vaut bien deux !

Et vous, qu'en avez-vous pensé ? Donnez-nous votre avis !