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Un joli Signol pour l’automne

Article du 22 septembre 2010

Une si belle école, de Christian Signol

Elle s’appelle Ornella Perrugi, est institutrice sur les hauts plateaux du Lot, raconte son histoire, qui est celle l’école, notre école, qui a tant évoluée depuis un demi-siècle. A ses débuts, dans l’immédiat après-guerre, elle est envoyée, pour son premier poste, à Ségalières, village perdu en lisière du Cantal. Pas d’eau courante, des gosses qui viennent en classe quand ils le peuvent, quand le travail des foins les y autorise, quand les parents n’en n’ont pas besoin à la ferme. Il y a aussi celui qui est sourd, et ne peut suivre la classe, celui que son père bat, mais contre lequel on ne peut rien faire, car il bénéficie de la protection de son frère sous-préfet.

Ornella se bat, courageusement, contre l’inspecteur scolaire, le maire, le curé, qui ne lui facilitent guère la tâche. Lorsqu’elle est mutée, après s’être heurtée à la brutalité et à l’injustice, elle choisit un destin plus serein, à Pérignac, travaille en liaison avec celui qui sera son futur mari, Pierre. Prend les élèves en charge avec passion, lutte contre l’époque. C’est la Guerre d’Algérie, qui appelle ses réservistes et notamment les enseignants. Mais la vie continue vaille que vaille. On ne racontera pas tout le riche destin d’Ornella, des années 1950 à nos jours, qui ressemble au roman noir et rose de l’école au village sous la IVe et la Ve République. Christian Signol s’y emploie avec cœur.

Une fois de plus, il prouve qu’on peut, contrairement au mot de Gide, faire de la bonne littérature avec de bons sentiments, que des personnages de chair et de sang, tirés à la fois de son imagination et de l’histoire réelle, en prise directe avec son Quercy natal, peuvent donner naissance à des héros réalistes et à une saga riche en événements passionnants. Le don d’écouter, de comprendre, de ressentir, de retransmettre : voilà les qualités de cet écrivain populaire au meilleur sens du terme. Comme l’était avant lui le Bernard Clavel de « la Grande Patience » et des « Fruits de l’Hiver ». Signol vit avec ses personnages, endosse leurs sentiments, embrasse leur existence, rédige avec une écriture fluide comme l’eau d’un torrent.

Avec lui – avec Ornella -, on se penche avec tendresse sur les poèmes de René-Guy Cadou (« Odeur des pluies de mon enfance/Derniers soleils de la saison») et on évoque ces odeurs fortes de l’école rurale qui, semble-t-il, ont disparu. « La nuit était tombée. Le poêle s’éteignait. Je me levais, parcourus les allées, caressai des doigts les pupitres, les cartes Vidal-Lablache, les tableaux, mais je ne pus quitter cette salle de classe où flottaient encore l’odeur des tabliers et des cartables, celle du parfum bon marché des filles et du fumier des étables transportée par les garçons. Impossible de m’en aller »…

Ce livre-ci, bon comme le pain bis, est d’une étoffe rare. Sa naïveté n’est qu’apparente. Sa tendresse est vraie. Ouvrez le. Vous serez vite conquis.

Une si belle école, de Christian Signol (Albin Michel, 20,90 €, 320 pages).

A propos de cet article

Publié le 22 septembre 2010 par

Un joli Signol pour l’automne” : 2 avis

  • DUQUEROIX Bruno

    Bouleversant de vérité et d’humanité…Un chef-d’oeuvre comme sait si bien les écrire Christian SIGNOL ! A consommer sans modération aucune.

  • Gagliardi Fabienne

    Quel ravissement de découvrir et apprécier ce si beau métier durant les années 1954 à 1989 et ce combat passionnant pour l’éducation des enfants!J’ai suivi les traces de l’héroïne avec un enchantement au coeur , étant moi – même institutrice ( professeur des écoles!) ( nouvellement retraitée) pas avec le même parcours mais avec un authentique bonheur à enseigner dans les différentes écoles où j’ai posé mon cartable.
    Témoignage nostalgique des écoles d’autrefois avec les maîtres et maîtresses dévoués corps et âmes , Monsieur Signol, toutes mes félicitations pour ce non -oubli et surtout embellissez encore nos rêves d’enseignants .

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