A l'Agneau

Viviane, Emile et Anne © GP

Déjeuner chez Anne Ernwein avec Emile Jung. C’est comme un cadeau humain que la rencontre entre un grand chef en semi-retraite et une « maître cuisinière » (je ne sais pas, à dire vrai, si le féminin là s’impose) qui remet sans cesse son métier sur l’ouvrage et s’affirme comme la starlette de son bout de pays de Hanau. Ce Nord de l’Alsace, très fidèle à ses traditions, est riche en belles auberges de toutes sortes. Il y a, à l’Agneau, quelque chose de sérieux et de rigoureux qui colle bien à la région.

Tartelette fine au carpaccio © GP

Joliesse de la table, chaleur du décor lumineux, belles marqueteries aux murs: voilà un lieu qui fait honneur à l’Alsace dans ses grandes largeur. Il y a le sourire de maman Gisèle à l’accueil, de la soeurette Viviane qui choisit les vins avec compétence et acuité, les idées d’Anne qui a la maîtrise pleine et entière des fourneaux, la haute main sur les menus, connaît ses gammes, fait des clins d’oeil à ses stages dans de grandes maisons, aux chefs qu’elle a aimés. Cette héritière modeste, qui incarne la 7e génération présente ici même depuis 1769, a notamment oeuvré chez Loiseau à Saulieu, Blanc à Vonnas et les hommages sur la carte au Fouquet’s comme au Grand Véfour disent assez le registre où se situe cette finaliste du concours du Meilleur Ouvrier de France, dernière édition.

Casse-croûte de Saint-jacques © GP

Aujourd’hui, avec les Jung qui venaient ici comme on rend visite à une maison amie, ce fut un récital de saveurs vives et éprouvées. Beaux produits, joliment dominés, accompagnements subtils, cuissons douces, le tout pour des mets savoureux et de saison. On citera les petites tartes flambées en amuse gueule, la tartelette fine au carpaccio d’agneau façon viande des Grisons avec oeuf sans coque, noisette, râpée de truffe et mâche au balsamique de barolo en liminaire ou encore le foie de canard poêlé sauce pommes raisins avec ses dampfnüdle dorés faisaient autant de jolies entrées en matière.

Turbot grillé et laqué © GP

Comme les mets de fraîcheur iodée que sont le tartare de homard en salade aux agrumes, le « casse croûte » de saint jacques grillées avec leur sauce mousseuse au Noilly, son cappuccino aux truffes ou le turbot grillé et laqué à la clémentine avec sa purée de patate douce et gingembre. Un joli instant carnassier avec le suprême de veau cuit à basse température, avec sa fine matignon, sa fine fleurette, ses longs macaronis aux truffes.

Suprême de veau © GP

Là dessus, un muscat sec de chez Florence à Ammerschwihr ou un muscat de vendange tardive 2007 de chez Muré à Rouffach au Clos Saint-Landelin, un riesling les Pierrets très minéral de chez Josmeyer en 2003, un Lacoste-Borie, second vin de grand Puy Lacoste, à Pauillac en 2001 font simplement merveille. Et les jolis desserts – fondant de chocolat et parfait Grand Marnier avec son verre Nicole, coque meringuée façon vacherin « confiture de vieux garçon » ou quetsches crémeuses poché au vin de curé avec sa glace spéculos – mettent vite dans l’embarras … du choix. Une belle maison, qui comme le dit Emile Jung, fait honneur à la tradition française comme à celle de l’Alsace dans ses grandes largeurs.

Fondant au chocolat et parfait au Grand Marnier © GP