L'Air du Temps

Sang-Hoon Degeimbre © Maurice Rougemont

Entre Liège, Namur et Mons, son nom se repasse comme un talisman. Il est la figure de proue de la cuisine de Wallonie, plus qu’un leader: une locomotive pour les jeunes qui montent. Né en Corée, adopté par une famille de Beauraing, élevé à Namur, Sang-Hoon Degeimbre aurait pu être pharmacien. Il est devenu sommelier, notamment à la Truffe Noire bruxelloise. Mais s’est mis à la cuisine simplement par passion, mais avec un naturel confondant.

Plats © Maurice Rougemont

Depuis, une décennie, glanant une, puis deux étoiles, il est devenu « la » référence de la cuisine créative de la région. Il était installé en bordure de route à Noville-sur-Mehaigne, près d’Eghézée, à 40 mn au sud de Bruxelles. Le voilà enfin chez lui à la campagne, dans une ferme toute proche de Liernu, les pieds dans la glaise de sa terre d’adoption. Il y a le jardin suspendu, au premier étage d’une grange annexe, où il produit patiemment quatre cent variétés de plantes, salades et légumes, les bâtiments voisins avec cinq chambres d’hôtes, la salle à manger confortable et la cuisine où il s’affaire avec son second japonais Toshiro Fuji, plus son équipe 100% belge. Il offre, avec eux,  des choses fines, exquises, délicieuses. En liminaire: les chips de légumes racines, le dashi aux groseilles de mer, le boudin noir revu et allégé aux pommes, le boeuf blanc bleu belge au fromage frais, les fausses moules frites et l’œuf coque à la joue de veau. Mais ce ne sont là que des préludes.

Plats © Maurice Rougemont

Il y a l’amusant sushi décomposé au homard et mayonnaise de ras-el-hanout, les saint-jacques au daïkon, dongchimi et topinambours, le « bo ssam » d’obédience néo-coréenne, en subtil hommage à ses racines, avec son huître perle blanche, son lard ibérique – qui peut être aussi ardennais – confit, son chou saumuré, sa mousseline au yuzu. Et puis encore le pigeonneau avec ses crêpes de pomme de terre et sa cuisse confite à l’orange. Fin, lucide, lumineux, éclairant.

Sang-Hoon Degeimbre © Maurice Rougemont

C’est vif comme l’air, léger comme les nuages qui filent dans le ciel gris d’ici. Bref, wallon, vaille que vaille. Il y a, pour finir, le citron de Bachès marié au chocolat de Marcolini, les vins des voisins de Champagne (pinot meunier de Bérèche et fils) ou du Luxembourg (riesling de Pauqué à Grevenmacher), mais aussi du Portugal (Solheiro Vinho Verde) et d’Italie (nebiolo des Langhe de Pio Cesare). Bref, voilà une table européenne du Sud de la Belgique qui fleure bon l’invention multi-cartes et la sensibilité inter-nations. A fêter sans retenue.

Au travail © Maurice Rougemont