Les Ambassadeurs

Jérôme Moreau et Christopher Hache © GP

Magnifique, superbe, léger, le meilleur déjeuner de la semaine – il y en eut de bons! -, malgré quelques inclinaisons pâtissières: voilà ce qu’on trouve au Crillon. Voilà ce que j’ai éprouvé dans la divine salle des Ambassadeurs toute de marbre vêtue, avec son parterre en mosaïques, ses fenêtres pour le moment fermées sur la place de la Concorde, pour cause de travaux.

Lisettes de petit bateau © GP

Aux commandes des fourneaux, le wonder boy Christopher Hache, formé jadis aux côtés des grands – Briffard, Senderens, Fréchon – et qui fut, un bref temps, l’adjoint de Frédéric Robert à la Grande Cascade, est désormais relayé en salle par le sommelier Jérôme Moreau. Ce dernier venu lui aussi du Bristol et de Senderens, connaît sa carte des vins par coeur et la commente avec éclat.

Calamars sautés à la crème d'ail © GP

A eux deux, plus une équipe de cuisine motivée et un service souriant sans ostentation, ils font baisser la moyenne d’âge des « personnels de la palace » de la capitale aux abords des trente ans, voire moins. Ne faisons pas de jeunisme, d’autant que la jeune garde de la critique, qui n’avait pas supporté l’arrivée du beau Christopher ici même lui avait envoyé une volée de bois vert à son arrivée. C’est de bonne guerre: Christopher est plus jeune qu’eux! Reste aussi que tout ce qui se propose là, sur un mode classique allégé, savant, renouvelé, est frappé du sceau de la qualité, du sérieux, de la rigueur et de la fraîcheur.

Pied de cochon pané à la truffe © GP

Une idée de déjeuner ici même? On peut la puiser dans le menu à 68 € qui offre, c’est le mot, à ce niveau de qualité, dans un tel cadre luxueux et nacré, le pressé de foie gras au melon et yuzu ou la délicate lisette de petit bateau avec ses betteraves assaisonnées d’un granité à l’huile d’olive. Puis les calamars sautés avec crème d’ail doux et pâte d’olives noires ou la poitrine de pigeon rôtie aux figues noires, les cuisses en barbajuans. Enfin, l’île flottante revisitée par l’astucieux pâtissier Jérôme Chaucesse, avec gaspacho ananas, mangue, passion, ou le finger choco/noisettes aux nuances citronnées avec biscuit moelleux, mousse Manjari, glace noisette, citron confit. De la haute voltige sans fausse note.

Polenta à la truffe blanche © GP

Il y a encore la carte changeante, les plats du moment, ceux de l’automne qui s’annonce en douceur: pied de cochon pané à la truffe noire, avec légumes vinaigrées, dans une présentation un peu mignarde, et je le suggérais plus haut un peu pâtissière, mais reflétant des nuances de goût exceptionnels. Et je pèse mes mots.  Comme cette sublime (et simple d’apparence) polenta à truffe blanche. Ou encore ce magnifique rouget barbet cuit en « papillon », puis désarêté, l’arête posée sur la peau du poisson, avec une (inutile, mais extra fine) pâte à croissant aux amandes couvrant d’exquis légumes à la provençale.

Rouget barbet cuit en papillon © GP

Allez gloser après cela sur les vins malicieux de Jérôme Moreau, comme ce divin château de l’A, côtes de castillon au fruité miraculeux en 2004, signé Stéphane Derenoncourt, qui est, sans nul doute, à Bordeaux, l’anti Michel Rolland (que nous évoquions hier à propose de Lasserre), avec qui le raisin, donc le vin, prend le pas sur l’alcool et le bois. Merveille de fraîcheur, que le merlot avec ampleur, mais sans impérialisme, mixant les arômes de cassis et de violette bien mûrs.

Vacherin glacé contemporain © GP

J’oublie aussi les desserts classiques revus, signés Chaucesse, que sont le vacherin contemporain fraise/rhubarbe et la pêche Melba qui a des allures de barbe à papa mais se révèle une autre douceur d’enfance à croquer. Rien que d’en parler, je salive. Tiens, si on y retournait demain midi? Chiche!

Pêche Melba © GP