La Table de la Font des Pères

Une table gourmande, une ferme-auberge, que double un bistrot : il y a tout cela à la Font des Pères. Ce domaine glorieux et ancien, réhabilité par le très disert Philippe Chauvin, brille sur ses terrasses, restanques, vignes, collines, qui font face à la vallée de la Reppe. Le port de Bandol n’est guère loin. Comme le joli village perché du Castellet et celui de la Cadière d’Azur. Mais c’est ici un autre monde.

Le chef Raphaël Linossier, natif d’Aix-en-Provence, formé à l’école hôtelière d’Arles, qui a travaillé avec Jérémy Czaplicki au Park Hyatt Vendôme et au château de Berne, comme à l’île Rousse, fait entendre ici sa propre musique et fait jouer sa fibre créative tandis que la toute jeune Clemence Hébert s’applique, au service du vin, à faire connaître les meilleurs flacons du domaine. Le menu change, les légumes sont mis en avant, ceux d’ici et de tout près, et contribuent aux belles assiettes colorées qui défilent comme à la parade.

C’est à la fois vif, léger, frais, audacieux, généreux, parfois trop, avec des portions qui excèdent la faim du moment. Mais difficile de se plaindre que « la mariée est trop belle ». En tout cas, on n’aura que du bien à dire du chou-fleur croustillant et tandoori, de la raviole de chèvre frais de Madame Bruna à Signes avec le jaune d’œuf des poules de la ferme maison, plus un caviar sélectionné par le maître de céans qui fut jadis un spécialiste importateur du genre, avec oignons rouges des restanques d’ici qui donnent leur couleur au plat.

Les poireaux du domaine Enregado à Ollioules s’accordent avec le thon de la pêche bandolaise juste snacké, relevé d’une vinaigrette pomme-gingembre. Les asperges vertes de Provence de Didier et Sabine Ferreint à Mallemort se marient joliment avec le filet de canette de l’Ain cuit bien rouge, flanqué de blettes du domaine et d’huîtres pochées de la famille Giol – une curieuse alliance terre/mer finalement réussie.

Les œufs des poules d’ici contribuent à de petites îles flottantes au citron caviar de Joëlle Etienne à La Crau. Et les premières fraises de chez Bastien Verdino à Carqueiranne, légèrement acidulées, liées avec des petits pois craquants escortent un petit baba imbibé à la vodka du domaine, plus un jus de fraise et yaourt au poivre Kampot. Formule bistrot à la carte, cadre charmant avec cuisine ouverte, beau parquet en bois et grande terrasse lorgnant sur le Mont Caume et le massif de la Sainte-Baume.