C’est notre conseil de lecture du moment, avec ses éclairages nombreux sur le milieu de la cuisine d’aujourd’hui et d’hier, sa trame fictionnelle fort bien menée, son sens de la formule aiguisée. Il y a tout cela dans le livre de Gautier Battistella, qui connaît le milieu comme sa poche, livre un roman, cruel, précis, rédigé au scalpel, avec une minutie sans faille et moult citations assassines qui en dit long, sur sa connaissance des grands chefs, de leur intimité, comme leur histoire. On vous en résume brièvement la trame : l’ascension et la chute d’un chef trois étoiles, Paul Renoir, venu du Sud Ouest, installé sur les bords de lac d’Annecy, qui se donne la mort, avec une arme de chasse au lendemain de son couronnement, par ses pairs, comme « meilleur cuisinier du monde », alors qu’il es parallèlement menacé de perdre sa couronne par « le Guide ». Deux récits s’entrecroisent ici : celui de Paul Renoir contant lui-même sa résistible ascension pour un documentaire de Netflix, avec ses hauts, ses bas, plus les coups fourrés d’une partie de sa brigade, celui de ses proches, de sa femme, de son fils, de ses « amis », de ses élèves, qui doivent faire face à sa succession. Puis les atermoiements de tout le  milieu, livré à ses turpitudes, entre jalousie, sexisme, viols, plus les confidences d’une pertinent journaliste (le redouté Gérard Legras) et les tentatives de révolution la patronne du « Guide » (la malicieuse Marianne de Courville, formée à HEC, prête à tout chambouler).   La mort de Bernard Loiseau, comme celle de Benoît de Violier, la montée d’un quasi-sosie de Mathieu Pacaud y sont, entre autres,  décryptées avec malice entre les lignes- On croit reconnaître là maints figures familières, certaines nommées d’autres non… Assorti d’une plume vive, alerte, vigoureuse,  multipliant les formules qui font mouche, voilà un roman à énigme qui sonne juste.

Chef de Gautier Battistella (Grasset, 336 pages, 22 €)