Youpala Bistrot

Il fut le bon élève des grands chefs, est passé par – excusez du peu ! – Patrick Jeffroy à Carantec, Michel Rostang, Pierre Gagnaire et Hélène Darroze à Paris. Fut le chef des Pesked, belle table panoramique, perchée au dessus de la baie de Saint-Brieuc. Jean-Marie Baudic s’est installé à son compte, ne se contentant pas d’ouvrir une demeure qui lui ressemble. Il a carrément inventé un type de restauration à sa mesure : le bistrot bon, rigolo certes, mais carrément gastro.

Le Michelin ne s’est pas fait prié pour donner, tout de suite, l’étoile  qu’il méritait et le public a suivi, gourmand, relax, se ruant sans mal vers ce cadre coloré, aux pierres apparentes, avec ses teintes joyeuses, ses tons vert olive, situé dans une maison anodine au coeur d’une rue en pente. Il n’y a, hélas, que 28 couverts et trois places au bar. Mais la gaîté est partout présente, avec les tables simplettes en bois aggloméré, ses sièges en cuir, sa cheminée, ses poutres, ses poissons décoratifs qui pendent d’un suspensoir baroque. Bref, voilà un lieu ludique qui plaît à tous.

Les jeunes qui peuvent « se faire un gastro » pour moins de trente euros, les moins jeunes qui tombent la cravate en se régalant de choses divines  et en craquant sur de petites comme de grandes bouteilles. Ils viennent, les uns et les autres, goûter aux menus qui épousent le marché avec humeur. On garde d’exquis souvenirs du tartare de thon blanc avec gras de seiche et encornets, plus une émulsion d’asperges à la cardamome verte et gelée de concombre au citron caviar, du bar aux betteraves, pousses de shiso et réductions d’oranges, du lieu jaune au jus d’agneau et crème d’oignons et légumes (courge, oignon rose, aubergine), comme du saint-pierre avec un jus vert au wasabi et poivre des cimes et son espuma de morue et parmesan.

Baudic cuisine avec un esprit chantant, un déhanchement rock, un air de ne pas se prendre au sérieux, même s’il met beaucoup d’esprit de rigueur dans ses choix de produits, ses assaisonnements et ses mariages de saveurs, comme ses cuissons au centième de seconde de près. Ses desserts (financier à la pistache et de la crème catalane avec son sorbet à la cerise, soufflé fraise/passion ou encore pêche pochée à la menthe avec cerises et son sorbet Romertopf) sont des plaisirs d’enfance, pleins de fruit et de fraîcheur. Ils jouent sur le même mode que le reste: celui  du plaisir et du sérieux étroitement combinés. Les vins, souvent estampillés ou nature, sont sympas, les prix doux, l’atmosphère rieuse. Bref : réservez ! Et laissez Baudic chanter sa petite musique.